Des milliers d’alévis ont défilé dans les rues du quartier Gazi à Istanbul pour rappeler les tragiques événements de mars 1995 : dans la soirée du 12 mars, plusieurs cafés et une pâtisserie de ce quartier habité majoritairement par une population, kurde et turque, de confession alévie , sont mitraillés à partir d’un taxi volé qui s’enfuit. Les forces de l’ordre n’interviendront qu’avec retard. La tension monte et le quartier est bouclé par des chars qui tirent sur la foule. Des barricades sont dressées, la loi martiale est décrétée. “Nous savons parfaitement qui étaient derrière les tueurs des forces spéciales (JITEM)” diront divers orateurs, “les tueurs et leurs commanditaires sont toujours impunis”. En écho, la foule scande “Gazi sera la tombe du fascisme”.
C’étaient précisément les slogans qui étaient scandés, 16 ans plus tôt, lors de gigantesques manifestations violemment réprimées. Quatre Rennais – la “délégation rennaise Kurdistan” devenue Amitiés kurdes de Bretagne – furent témoins, à Ankara, de cette protestation comme le témoigne le fax envoyée à la Ville de Rennes (D.R.I.) le 13 mars 1995 :
La délégation a été témoin de très violents affrontements qui ont opposé les forces de l’ordre à 2 500 manifestants sous les banderoles “Mort au fascisme”, “Côte à côte, contre le fascisme”, “Pouvoir au peuple”, “Union contre le fascisme”. Après les attentats d’Istanbul visant la communauté alévie – 20 millions en Turquie, dont la majorité est kurde, traditionnellement située à gauche et au centre-gauche – cette manifestation “pirate”, à “dispersion rapide” a regroupé, autour des alévis, des partis de gauche, des organisations syndicales et étudiantes.
L’image de cette vieille femme bravant les canons à eau, avant l’assaut sauvage des forces de police armées de planches volées sur un chantier voisin, reste gravée dans la mémoire de ceux qui vécurent la scène.
André Métayer