Les Kurdes se sont taillés un franc succès à la fête de l’Humanité ce week-end dernier, qui a attiré 650 000 visiteurs en trois jours. Trois jours pleins mis à profit par la Fédération des associations kurdes en France (FEYKA) et le Centre d’information du Kurdistan (CIK) pour populariser les luttes, celles qui se développent tant au Kurdistan nord (Turquie) qu’au Kurdistan occidental (Syrie), des luttes difficiles qui n’ont pas le soutien des pays européens, loin s’en faut, et qui ne sont pas assez connues des forces populaires de ces mêmes pays. Les rencontres furent fructueuses. La pétition en faveur de la libération d’Abdullah Öcalan et de tous les détenus politiques en Turquie a recueilli près de 34 000 signatures.
La plus grande prison du monde pour les élus
Sur le stand kurde on pouvait lire les chiffres qui classent la Turquie dans la catégorie des pays qui bafouent la démocratie en emprisonnant les opposants politiques : 14 897 prisonniers politiques détenus dans les geôles turques dont plus de 8 000 depuis avril 2009, 6 députés du parti kurde BDP, 33 maires, 119 conseillers municipaux et régionaux, 504 cadres et dirigeants du parti BDP, 771 étudiants, 700 enfants, 34 avocats, 99 journalistes 68 syndicalistes. Ce dimanche 16 septembre c’est encore neuf membres du BDP, dont le maire adjoint de Karliova (région de Bingöl), qui ont été mis en détention. Les procès, nombreux, ne vont jamais à leur terme et les audiences sont renvoyées sine die, ce qui permet à la Turquie, dans une parodie de justice, de maintenir abusivement des présumés innocents en détention provisoire. Des protestations de toute part commencent à dénoncer cette politique. Les médias internationaux préfèrent colporter le gros mensonge du gouvernement AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More, “gobé” complaisamment par les pays européens et les Etats-Unis, qui tend à faire passer pour terroriste un mouvement pérenne de résistance qui ne cesse de s’amplifier.
Un bus pour Abdullah Öcalan
La simple évocation du nom d’Abdullah Öcalan provoque chez les Kurdes de Turquie un déclic qui plonge encore certains de leurs amis européens dans un certain étonnement. Qu’ils soient militants actifs ou plus ou moins sympathisants, les Kurdes se retrouvent tous derrière le chef historique du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More emprisonné depuis 1999, appelé familièrement mais respectueusement “Apo”. Quelle famille n’a pas au moins une photo d’Apo dans sa maison? A-t-on vu une manifestation, un meeting, un concert, une grève de la faim, des obsèques de combattants sans l’effigie d’Apo? Sans le drapeau d’Apo? Sans le slogan crié à tue tête : “Biji Apo” (vive Apo)? D’aucuns avaient imprudemment titré, dans la presse française, lors de son arrestation, puis lors de son procès et sa condamnation à mort commuée en prison à vie : “Öcalan, c’est fini”, “Öcalan à échoué”, “Le chef du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More est un homme du passé”. Aujourd’hui, 12 ans plus tard, son influence dépasse les limites du Kurdistan de Turquie : RFI titre en ce 22 août 2012 “le drapeau kurde flotte sur la ville de Derik” (Syrie) et note que dans les nouveaux bâtiments publics les portraits de Bachar el-Assad sont remplacés par ceux du leader du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More. Abdullah Öcalan est reconnu par de nombreux observateurs comme le représentant politique du peuple kurde. Son charisme auprès de la communauté kurde en fait l’homme politique kurde de Turquie le plus respecté. Il est considéré comme le négociateur incontournable pour trouver une solution politique à la question kurde. Le gouvernement d’Erdogan a discuté durant deux ans et demi avec le prisonnier de l’ile-prison d’Imrali avant de tourner le dos à la voie de la paix et de tenter, par des arrestations massives et des procès en trompe-l’œil, de décapiter toute opposition politique. Mais en vain. La mobilisation ne faiblit pas. Le combat politique continue, appuyé par la lutte armée. Les Kurdes de la diaspora ne sont pas en reste. Ils ont décidé d’aller à la rencontre des citoyens et d’affréter un bus “freedom for Abdullah Öcalan” qui va parcourir l’Europe entière : parti de Gävle (Suède) le 14 septembre, il parcourt déjà l’Allemagne. Son prochain pays sera la Suisse.
André Métayer