Incroyable ! Le Président Recep Tayyip Erdoğan a annoncé le retrait de son pays de la convention d’Istanbul, appelée aussi “Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique”, un traité prônant l’égalité des sexes et fixant des normes juridiquement contraignantes pour prévenir les violences faites aux femmes.
Signé en 2011 par 45 pays et ratifié par plus d’une trentaine, dont la Turquie en 2014, ce traité international oblige les gouvernements à se doter d’une législation réprimant la violence domestique et les abus tels que le viol conjugal et la mutilation génitale féminine. Mais aux yeux du chef d’État turc, ce traité nuirait aux valeurs familiales “traditionnelles” en défendant l’égalité des sexes et favoriserait l’homosexualité en interdisant la discrimination en fonction de l’orientation sexuelle. “C’est un jour de fête pour les maris violents et pour les meurtriers des femmes”, s’indigne un éditorialiste du quotidien laïc et kémaliste Sözcü, qui souligne que 300 femmes sont mortes assassinées en 2020 en Turquie.
La décision a suscité la consternation de la communauté internationale et provoqué la colère de milliers de manifestantes et de manifestants, comme le souligne Le Monde :
A Istanbul, à Ankara, à Izmir, des milliers de femmes sont descendues dans la rue, samedi, pour protester contre la décision unilatérale du président turc, largement condamnée par les partenaires traditionnels de la Turquie. « C’est un pas en arrière extrêmement décourageant pour le mouvement international contre les violences faites aux femmes » a déploré le président américain, Joe Biden, dans un communiqué. La secrétaire générale du Conseil de l’Europe, Marija Pejcinovic Buric, a évoqué pour sa part une décision “dévastatrice”. Jean-Yves Le Drian, le ministre des affaires étrangères français, a déploré « un recul des droits préoccupant ».
Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission européenne, a aussi fait entendre sa voix : “La violence faite aux femmes n’est pas tolérable. Elles méritent un cadre juridique pour les protéger” et d’engager tous les pays à ratifier la convention.
“Ce n’est pas seulement une convention, c’était l’engagement d’un pays en faveur des droits des femmes” s’indigne une manifestante. D’autres crient aussi leur colère, leur angoisse : “je ne veux pas mourir. En 2017, j’ai perdu une amie d’enfance tuée par son ex-petit ami. La colère que j’ai éprouvée, c’est la même que celle qui m’étreint aujourd’hui”. “Nous vivons dans un pays qui ne croit pas à l’égalité entre les hommes et les femmes”. “Pour le droit des femmes” est-il écrit sur l’une des nombreuses pancartes portées par une foule indignée.
Le Parti communiste français a publié un communiqué dans lequel il note :
La décision infâme de RT Erdoğan s’inscrit dans le sillage liberticide qui conduit à la procédure d’interdiction du Parti démocratique des peuples (HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More) cette semaine et à l’arrestation d’un millier de ses militants. Pendant ce temps, l’Union européenne multiplie les signes d’apaisement et les propos doucereux envers RT Erdoğan et brille par son mutisme sur les violations des droits humains ou l’incarcération du député Selahattin Demirtas.
Recep Tayyip Erdoğan prépare les élections de 2023 qui s’annoncent catastrophiques pour lui et son parti, l’AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More, crédité d’à peine 34% des intentions de vote. La crise financière, l’inflation galopante, l’usure du pouvoir, la corruption, finissent par lasser son électorat et, pour rester majoritaire, il doit faire alliance avec les partis d’extrême-droite. C’est dans cette stratégie qu’il faut chercher les raisons de cette décision de retirer la Turquie de la convention d’Istanbul, prise, semble-t-il, dans l’urgence : c’est en effet par un décret présidentiel que cette décision a été actée et non par un vote du Parlement. Pourtant la règle est qu’un texte adopté par le Parlement turc ne peut être annulé par décret présidentiel. Mais le président-dictateur n’en a cure.
André Métayer