Je sais, ce n’est pas trop le moment, la vie politique est dense, les préoccupations et les soucis sont nombreux. La campagne électorale bat son plein, la vie quotidienne est difficile. Pouvoir d’achat, retraites, santé et aussi cette envie irrésistible de vivre, de pouvoir profiter du temps des vacances et des congés qui se profile à l’horizon. La guerre qui fait rage en Ukraine occulte les autres problèmes internationaux. RT Erdoğan peut tranquillement envahir le RojavaKurdistan occidental (Kurdistan de Syrie), divisé en trois cantons : Cizirê (le canton le plus peuplé comprenant notamment la ville de Qamişlo), Kobanê et Efrin. More ou le Kurdistan d’Irak et continuer à jeter en prison tous ceux et toutes celles qui s’opposent politiquement, notamment les démocrates kurdes du parti légal HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More. La presse bâillonnée, la justice aux ordres, les crimes de guerre commis à l’encontre des populations, les députés, les maires destitués et embastillés, toute cette politique répressive perdure dans l’anonymat et l’indifférence. Oui, c’est donc le moment d’en parler.
Le Poutine turc
La crise ouverte déclenchée par l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine, qui nous préoccupe au plus haut point, ne doit pas, bien au contraire, détourner notre attention des comportements du président Erdoğan. Son aversion obsessionnelle pour la reconnaissance des droits culturels et politiques du peuple kurde entraine ce pays dans une dérive autoritaire inquiétante. Les deux présidents, russe et turc, ont des comportements identiques de dictateur. Erdoğan se conduit comme Poutine en envahissant, au mépris des lois internationales, le nord de la Syrie (le RojavaKurdistan occidental (Kurdistan de Syrie), divisé en trois cantons : Cizirê (le canton le plus peuplé comprenant notamment la ville de Qamişlo), Kobanê et Efrin. More) et le nord de l’Irak (le BaşûrKurdistan méridional (Kurdistan d’Iraq), divisé en deux zones : le Gouvernement régional kurde, quasi-indépendant ; les territoires contestés, occupés et administrés par l'Etat irakien. More), en emprisonnant en Turquie des milliers d’opposants sous des prétextes fallacieux et en conduisant une politique nationaliste, expansionniste, dangereuse pour la paix dans le monde, sous le regard complaisant ou indifférent des grandes puissances, au nom de la realpolitik. Dernière provocation : Erdoğan met son veto à l’adhésion de la Finlande et de la Suède à l’Alliance atlantique au motif que ces pays acceptent de recevoir comme réfugiés politiques des opposants à sa politique, des “dangereux terroristes” dont il exige l’extradition.
L’ambiguïté de la position de la France frise l’indécence
La position de la France est très ambiguë et néanmoins constante depuis des décennies, malgré les changements de gouvernements. Le lobby turc est très puissant et très introduit au quai d’Orsay. La lettre rédigée le 15 juillet 2021 par les services du ministère français des Affaires étrangères, signée par JY Le Drian, est un chef d’œuvre en la matière : après avoir partagé le constat que nous lui avions présenté (renforcement de la répression, destitutions de maires élus, menace de dissolution du HDP…) elle note : “ces développements sont particulièrement préoccupants et la France suit l’évolution de la situation avec la plus grande attention,” mais, quelques lignes plus loin, elle met en garde les représentants élus kurdes qui “doivent se tenir à distance de la violence terroristes pour demeurer des interlocuteurs crédibles“. Quand on sait que 4 000 d’entre eux (élus, cadres administratifs, responsables d’associations culturelles, journalistes, avocats, professeurs, syndicalistes, militants de ce parti) sont emprisonnés au motif fallacieux “d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et/ou appartenance à une entreprise terroriste”, on apprécie l’incongruité des propos.
Un changement de cap s’impose : la médiation
La question kurde doit s’inviter dans la campagne législative. Aux dires de l’ex ministre des Affaires étrangères JY Le Drian, “la France reste convaincue qu’une solution politique à la question kurde est la seule qui soit viable à long terme“. Disons aux candidats députés que nous sommes las d’entendre ces paroles lénifiantes maintes fois répétées et que nous attendons des actes concrets, des actes forts.
La France pourrait hâter une solution politique en contraignant le président Erdoğan, aux prises à des difficultés intérieures, économiques et politiques, à ouvrir des négociations. C’est une question de volonté politique. La France, compte tenu des bonnes relations qu’elle entretient avec la Turquie, pourrait s’imposer dans le rôle important de médiateur.
Les Kurdes appellent de leurs vœux depuis de nombreuses années l’ouverture de négociations. Aucune personnalité kurde de haut rang du Kongra-Gel, l’aile politique du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, ni même du HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More, parti légal, n’a été reçue par des représentants de la France, qu’il s’agisse de l’Elysée, de Matignon, du Quai d’Orsay, de l’Assemblée nationale ou du Sénat, au motif non avoué qu’il ne faut pas déplaire au maître de la Turquie qui les considère comme “terroristes”, à l’instar du maitre du Kremlin qui considère les Ukrainiens comme “nazis”. C’est le paravent des dictateurs.
Parlons avec les candidats députés de belligérants, de négociation, de paix juste et durable.
André Métayer