Chers amis, connus et inconnus, vous avez été nombreux à répondre à notre appel aux dons en faveur des populations sinistrées à la suite du violent tremblement de terre qui a frappé le sud de la Turquie et l’est de la Syrie (Kurdistan nord et RojavaKurdistan occidental (Kurdistan de Syrie), divisé en trois cantons : Cizirê (le canton le plus peuplé comprenant notamment la ville de Qamişlo), Kobanê et Efrin. More), causant des milliers de morts, détruisant des milliers de bâtiments et faisant d’innombrables sans-abris. Dès l’annonce de la catastrophe, les Amitiés kurdes de Bretagne (AKB) se sont immédiatement mobilisées et ont répondu dans l’urgence par l’envoi d’une délégation qui s’est rendue à Adiyaman via Diyarbakir et par un appel aux dons auquel vous avez répondu généreusement : plus de 8 000 euros ont été recueillis. Merci pour votre générosité. Merci pour la confiance que vous nous avez témoignée. 1 750 euros ont été utilisés sur place pour la population sinistrée d’Adiyaman, via l’achat et l’acheminement, depuis Diyarbakir, de plus d’une tonne de produits alimentaires. La précieuse collaboration avec Eğitim Sen (Syndicat des travailleurs de l’éducation et des sciences) a été efficace. Le reste des dons sera confié à Roja Sor France (« Soleil rouge »), une association humanitaire franco-kurde présente sur le terrain en Turquie, mais aussi en Syrie. Au retour de la délégation, Ouest France a publié une interview. Un premier compte rendu a également été publié sur ce site. Tout a été dit, ou presque.
Adiyaman, ville de 300 000 habitants
Adiyaman est au cœur d’une vaste région totalement dévastée avec 12 millions de personnes déplacées. Le centre de distribution de vivres est installé au centre culturel alevi transformé en centre d’accueil avec dortoirs pour les réfugiés. Ce centre est géré par une coordination de partis de gauche et de syndicats. Des volontaires arrivent aussi de partout en Turquie pour aider. Exemple entre mille : des conducteurs d’engins de déblaiement sont allés voir leur patron qui les a laissés partir pour intervenir. Neuf jours après le séisme, ce qui a frappé notre délégation, c’est le vide de la ville. Les habitants ont fui dans les villages alentour où les constructions semblent moins fragilisées. Des destructions partout, un bâtiment sur trois est effondré, encore quelques immeubles sont debout mais inhabitables, car touchés dans leur intégrité et susceptibles de s’écrouler eux aussi. En attendant, certains habitants ont monté des tentes au pied de leur immeuble dévasté et vivent dans le froid.
Organisation de l’aide
La société civile a été plus rapide que le gouvernement AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More d’Erdoğan, comme le montre l’installation de cette plate-forme à partir du centre culturel alevi. Et ce malgré les conditions extrêmement difficiles pour intervenir : conditions sanitaires précaires (ni eau, ni électricité), atmosphère saturée de poussière qui attaque les yeux et le système respiratoire (rotation obligée des équipes de secours). Les secours officiels ont mis énormément de temps à arriver, ce qui a provoqué une immense colère dans le pays, obligeant le président Erdoğan à présenter ses excuses à la population. Le gouvernement turc commence à envoyer des « administrateurs » et on peut s’interroger sur les modalités selon lesquelles l’aide risque d’évoluer aux mains des agents du pouvoir. La façon dont ces « administrateurs » nommés par le pouvoir gèrent les villes dont les maires HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More ont été scandaleusement destitués n’augure rien de bon. D’autre part, les opérations de déblaiement ont débuté, sous le regard horrifié des habitants restés sur place qui espèrent encore retrouver des corps enfouis. Le comptage lugubre a commencé des personnes disparues.
Et maintenant ?
Il est difficile de faire confiance aux plans de l’Etat pour la reconstruction du pays. Nul doute que le président Erdoğan va, la spéculation immobilière aidant, saisir l’opportunité de marginaliser encore davantage la population kurde. Les élections présidentielle et législatives auront lieu le 14 mai prochain. On imagine bien l’intérêt, pour le président Erdoğan qui a confirmé la date, de profiter du désastre qui fragilise voire empêche le vote kurde déjà menacé par un coup de force gouvernemental antidémocratique jamais encore égalé contre Parti démocratique des peuples (HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More), troisième formation politique du pays, un parti kurde qui rassemble autour de lui une coalition de partis de gauche. Son interdiction est réclamée depuis mars 2021 par un procureur qui a saisi en ce sens la Cour constitutionnelle. Celui-ci réclame par ailleurs une interdiction d’exercer des fonctions politiques contre 600 cadres du HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More afin de les empêcher de former un nouveau parti en cas d’interdiction. Déjà toute aide de l’Etat a été supprimée. La Cour constitutionnelle doit se prononcer dans les prochains jours.
Mais le mécontentement est grandissant dans tout le pays, qui pointe l’incurie gouvernementale. Les résultats de ces élections restent donc très incertains. Au-delà de l’émotion, les AKB vont poursuivre avec la communauté kurde rennaise son travail de réflexion et de solidarité avec le peuple kurde, qui lutte pour l’obtention de ses droits culturels et politiques.
André Métayer
Photo : (c) F. Legeait