Remzi Kartal, co-président du Kongra-Gel, la plus haute personnalité kurde en Europe, réfugié politique en Belgique, a reçu du ministre français de l’Intérieur, Gérard Darmanin, une notification d’une interdiction administrative du territoire au motif qu’il constituerait « une menace grave pour l’ordre public et la sécurité intérieure de la France ».
Qui est donc ce « dangereux terroriste » à qui on reproche, par exemple d’avoir, le 19 juillet 2020, lors d’une réunion au sein du Centre démocratique kurde de Bordeaux, rendu hommage « à deux combattants tués en déclarant qu’ils avaient donné du moral et de l’espoir au peuple » ? Heureusement, pour M. Darmanin, que le ridicule ne tue pas. Il est patent que derrière cette interdiction « d’entrée et de séjour sur le territoire français » dont la rédaction est manifestement bâclée, se cache une pressante intervention du puissant lobby turc dont l’influence sur la politique française n’est plus à démontrer.
Qui est Remzi Kartal ?
Remzi Kartal, né en 1948 à Van, diplômé de la Faculté de médecine dentaire, fait partie des grandes figures de la résistance kurde, celles que l’Etat turc aimerait supprimer. On peut dire que, pour Remzi Kartal, La chasse à l’homme commença le 2 mars 1994, quand la police encercla la Grande Assemblée de Turquie pour se saisir des députés kurdes du DEP, élus en 1991, qui venaient de perdre leur immunité parlementaire. Remzi Kartal et quelques autres furent exfiltrés vers l’Europe.
La vindicte se poursuivit et, à la demande d’extradition de la Turquie, via Interpol, l’Espagne interpella, le 24 mars 2009, Remzi Kartal, alors président de la Commission des Affaires étrangères du KNK (Congrès National du Kurdistan). Assigné à résidence il sera, 4 mois plus tard, libéré et blanchi de toute accusation de terrorisme par l’Audiencia Nacional, un tribunal pénal espagnol à compétence nationale, après une intense campagne de pétition à laquelle les Amitiés kurdes de Bretagne ont participé. Il est vrai que Remzi Kartal est très connu et estimé en Bretagne, depuis le festival de cinéma de Douarnenez qu’il a honoré de sa présence en 2003, édition consacrée au Kurdistan.
En janvier 2013, à la suite du triple assassinat de militantes kurdes à Paris (Fidan Doğan, Sakine Cansız et Leyla Söylemez), il fut révélé que la Turquie avait envoyé des tireurs d’élite en Europe dans le but d’éliminer les dirigeants du mouvement kurde. Remzi Kartal était parmi les personnalités visées. Une note du 28 octobre 2015 émanant du ministère de l’Intérieur turc le place sur la liste rouge des “terroristes les plus recherchés”. Le 1° décembre 2016, Il dépose à Bruxelles, où il réside, une plainte pour “menaces de mort” reçues à plusieurs reprises sur son téléphone portable. Remzi Kartal est aujourd’hui co-président du Kongra-Gel, « organe politique de l’organisation », comme l’écrit Darmanin dont la fatwa encourage les tueurs à passer à l’action.
Remzi Kartal, un homme clef pour des négociations de paix
Les Kurdes appellent de leurs vœux depuis de nombreuses années l’ouverture de négociations en vue d’une paix juste et durable. Les représentants de la France (l’Elysée, Matignon, le Quai d’Orsay, le palais du Luxembourg, le palais Bourbon, le ministère de l’Intérieur) auraient dû prendre l’initiative de recevoir M. Remzi Kartal, président de Kongra-Gel, considéré comme l’aile politique du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, dont la place est incontournable à la table d’une négociation. On sait, dans les chancelleries que R. Kartal, est courageux, intègre et ouvert à toutes initiatives qui pourraient favoriser un règlement politique. “La France reste convaincue qu’une solution politique à la question kurde est la seule qui soit viable à long terme“ écrivait le 15 juillet 2021 dernier JY Le Drian, alors ministre des Affaires étrangères.
Disons que la brutalité d’un Darmanin douche nos illusions quant à la volonté réelle de nos gouvernants à travailler dans ce sens.
Laissons les va-t’en-guerre et les faux culs délibérer sur le sexe des anges (le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More est-il une organisation terroriste ?). Ils veulent seulement se donner bonne conscience.
Mobilisons-nous pour faire rapporter cette décision inique de Darmanin.
Travaillons pour exiger de nos gouvernants qu’ils usent de tous leurs pouvoirs (et ils en ont) pour faire pression sur la Turquie enn vue de l’ouverture de vraies négociations de paix.
André Métayer