La délégation des Amitiés kurdes de Bretagne vient de rentrer du Kurdistan et livre ses premières impressions. Dans l’attente d’un développement ultérieur tant sur la situation politique au Kurdistan que sur la finalisation des projets de coopération, il a été demandé à chacun de livrer sa première impression : quel fut, pour toi, personnellement le temps fort de ce voyage? Ce fut un choc pour chacun, notamment à Roboski, mais pas seulement. Les rencontres de Hakkari ont beaucoup marqué les esprits. Celles de Diyarbakir aussi comme celle avec le maire de Sur.
Hakkari, une prison à ciel ouvert entourée de montagnes
“J’ai été sous le charme des paysages, des montagnes et des rivières, des hommes, de leur culture, de leur musique, les échanges spontanés avec les hommes de la rue… Kadir et les jeunes femmes de l’atelier de tissage ont montré, lors de notre rencontre, leur profonde humanité, l’attachement à leur culture et à leur patrimoine. Se rendre à Hakkari m’a permis aussi d’appréhender la réalité d’une occupation militaire.” (Franck).
“Soldats, policiers, innombrables, toujours l’arme à la main, le regard vague impossible à rencontrer comme si dans l’échange de nos regards il y avait un risque majeur, celui de lâcher le fusil pour un peu d’humanité.” (Josette).
“La situation à Hakkari a été comme l’an passé un temps fort où j’ai pu ressentir physiquement l’oppression de cette ville-prison dont les 70 000 habitants sont constamment surveillés et contrôlés par 40 000 policiers et militaires présents dans la ville et sur toutes les crêtes surplombant l’agglomération. En parallèle, j’ai découvert un peu plus Suleyman et de Kadir (de l’atelier Rengin), des hommes d’une grande dignité. Comme l’an passé le moment du départ fut difficile.” (Thierry).
“Ces couleurs vives et ternes sont celles aussi de la laine de l’atelier “Rengin” .L’explication de la symbolique du kilim avec des multiples révolutions cycliques m’a beaucoup marquée. Il y a un lien entre la beauté de la lumière que diffuse l’argile de la montagne et la lumière entraperçue dans les yeux de nos interlocuteurs.” (Laetitia).
“Le moment qui hante sans cesse mon esprit depuis mon retour, c’est celui passé avec Kadir, le responsable de production de l’atelier RENGIN à Hakkari. Père des tisseuses d’Hakkari, il écoute ses filles tisser et, au son des fils de laine, il entend les chagrins, les rêves et les espoirs de chacune. Ce personnage humaniste, rationnel, généreux et chaleureux marquera à jamais ma mémoire.” (Nuray).
Abdullah DEMIRBAS, une stature d’homme d’État
“Autre temps fort : la rencontre avec Abdullah DEMIRBAS, maire de SÜR (arrondissement de Diyarbakir-centre), si humain, juste et visionnaire, à la stature d’un grand homme d’État.” (Thierry).
“Sür est un arrondissement de Diyarbakir. Son maire Abdullah Dermibas, détenu sans jugement depuis décembre 2009 (pour usage et défense dans sa municipalité, de la langue kurde et du multilinguisme) a été libéré en mai 2010 pour raisons médicales. Il y a des rencontres qui suscitent l’émotion et qui témoignent de la grandeur de l’être humain. La rencontre avec Abdullah Dermirbas en fut une mais ce ne fut pas la seule. De sa personne, de ses paroles émanaient une hauteur de vue et une humanité bouleversante :
en 1930 on nous traitait comme des esclaves, la révolution kémaliste nationaliste a balayé les minorités culturelles. Avant on nous tuait et maintenant on nous met en prison mais on continue encore à nous tuer dans les affrontements (L’un de ses fils a “rejoint les montagnes”). On a déjà perdu 35 000 personnes, les enfants d’Erdogan ne sont pas tués ! Je ne veux pas de conflit et je le dis en tant que maire, père et être humain. Tous sont mes enfants. Il y a intensification dans les affrontements, chaque personne tuée nous affecte douloureusement. Nous demandons la reconnaissance de l’identité kurde et de la langue kurde. Rien de plus beau que la liberté. La violence ne résoudra rien. Nous aspirons à la paix et nous croyons que trois acteurs kurdes peuvent contribuer à la résolution démocratique du problème kurde : se sont Jalal Talabanî, (Président de la République d’Irak, Massoud Barzani (Président de la Région autonome kurde d’Irak) et Abdullah Öcalan.
“Au de là des paroles rayonnait, telle une chaleur envahissante, cet immense espoir de résoudre par la paix la question kurde.” (Christine).
Propos recueillis par André Métayer