Recep Tayyip Erdoğan, Premier Ministre turc et chef du parti islamiste AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More, a cherché, en volant au secours du Hamas[[Harakat al-Muquawama al-Islamiya (“Mouvement de la Résistance Islamique”) : ce mouvement de résistance palestinien se définit lui-même comme un mouvement trouvant ses principes dans le Coran et se battant au nom de l’Islam.]], à faire un coup politique et à apparaître sur la scène internationale comme le champion des Droits de l’Homme ; sa participation, via une organisation islamiste turque[[IHH (Insanı Yardım Vakfı – Fonds d’aide humanitaire).]], à la flottille du mouvement “Free Palestine” dont l’objectif était de forcer le blocus de la bande Gaza, visait avant tout à masquer des difficultés provenant, entre autres, d’une diplomatie hasardeuse et d’une évolution dans l’équilibre des forces à l’intérieur du pays : les Européens et les Américains viennent en effet de voter une résolution prônant la dénucléarisation du Moyen-Orient – qui sonne comme un désaveu de la position turque sur le dossier nucléaire iranien. L’entrée en scène du nouveau chef du CHP[[Cumhuriyet Halk Partisi (CHPParti républicain du Peuple (Cumhuriyet Halk Partisi), parti kémaliste et nationaliste de centre-gauche. More) : le « Parti Républicain du peuple » “social-démocrate”, laïc et nationaliste, fondé par Mustafa Kemal Atatürk en 1923, est aujourd’hui le principal parti d’opposition en Turquie.]] peut changer la donne dans le bras de fer qui oppose islamistes et “Etat profond” : selon un sondage, Kemal Kılıçdaroğlu[[Il semblerait que le successeur de Deniz Baykal, qui jouit d’une réputation d’homme intègre, aurait fait le ménage dans l’appareil du parti ! Mais pour quelle politique ? “Wait and see.”]], surnommé “Gandhi Kemal”, aurait déjà fait progresser le parti kémaliste de 10 points, ce qui situerait le CHPParti républicain du Peuple (Cumhuriyet Halk Partisi), parti kémaliste et nationaliste de centre-gauche. More, dans la perspective des prochaines échéances électorales (2011), à plus de 30%.
Les accords militaires discréditent la Turquie…
Les accords militaires entre la Turquie et Israël vont-ils résister à cet incident grave entre les deux pays ? On peut penser que oui : les contrats se chiffrent à 2,5 milliards de dollars d’après l’organe d’information indépendante Bianet qui donne quelques détails : 183 millions de dollars[Plus 15 millions de dollars pour la location de deux drones « Heron »]] pour l’achat à Israël par la Turquie de [dix avions militaires sans pilote (drones) “Heron” ; 1 milliard de dollars pour la modernisation de 54 avions de combat F-4 et 650 millions de dollars pour moderniser 170 chars M-60 ; 160 millions de dollars pour le système radar (SAR) ; des contrats pour 167 millions de dollars ont été signés entre les deux pays dans le domaine du renseignement militaire ; le ticket d’entrée dans le projet israélien de transmission d’images d’avions de combat est de 120 millions de dollars ; notons également qu’Israël entraine ses soldats sur la base aérienne de Konya et utilise l’espace aérien turc.
… sans pour autant exonérer Israël.
Quoiqu’il en soit, il n’est pas question de justifier l’inqualifiable attitude d’Israël qui prend en otage 1,5 million de Palestiniens de la bande de Gaza : Israël doit non seulement lever le blocus de Gaza mais ouvrir des négociations garantissant l’existence d’un Etat palestinien souverain[[Les Amitiés kurdes de Bretagne, qui assurent l’Association France Palestine Solidarité de leur soutien, ont déjà montré leur solidarité à la cause palestinienne, comme en novembre 2009 lors de la production d’une animation conjointe – “Guerres et Paix” – menée dans le cadre de la Maison internationale de Rennes avec la collaboration d’associations comme le Mouvement de la Paix, etc.]]. Son intransigeance et son aveuglement ont ouvert un boulevard au rusé Erdoğan qui tente de faire oublier la politique tout autant condamnable qu’il conduit pour régler la question kurde et qui commence, elle aussi, à soulever quelques réprobations.
La Turquie « taclée » par Amnesty International…
Le Rapport d’Amnesty International publié le 28 mai dernier « tacle » sévèrement la Turquie :
Peu de progrès ont été enregistrés concernant le renforcement de la protection des droits humains. Des cas de torture et d’autres mauvais traitements ont cette année encore été signalés, de même que des cas de poursuites pénales restreignant le droit à la liberté d’expression. …]
[Lire la suite sur le site d’Amnesty International
… accablée par le rapport de l’association IHD,
Le rapport d’Amnesty international corrobore celui de l’Association des Droits de l’Homme de Turquie (IHD) dont nous avons déjà publié les chiffres hallucinants concernant les violations du droit à la vie, violations des droits de la femme, violations des droits de l’enfant, violations du droit à la liberté d’expression, à la liberté d’association, à la liberté de manifestation ; rappelons que IHD a comptabilisé en 2009 dans les prisons turques (chiffres dépassés aujourd’hui) 4 475 détenus politiques purgeant des peines souvent très lourdes, 1 444 inculpés mis en détention provisoire et 6 474 étrangers demandeurs d’asile.
… épinglée par le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU (ONUG),
La Turquie vient d’être soumise, le lundi 10 mai 2010, à “l’Examen périodique universel” du Conseil des Droits de l’Homme, organe intergouvernemental des Nations Unies, dont le but principal est d’aborder des situations de violations de droits de l’homme dans les 192 Etats membres de l’ONU et d’émettre des recommandations ; la Turquie, au vue de la contribution écrite présentée le 12 avril dernier par trois ONG[[Centre Europe Tiers-Monde (CETIM), Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (LIFPL), Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) ; organisations non gouvernementales dotées du statut consultatif auprès de l’ONU.]], avait déjà fait une première réponse dilatoire, un demi-aveu en quelque sorte, qui, loin de nier les violations des droits fondamentaux du peuple kurde, les justifie par un seul mot : « TERRORISME. » Dissolution du DTP[[Le Parti pour une Société Démocratique (pro-kurde), dissout par la cour constitutionnelle, a été immédiatement remplacé par le BDP, Parti pour la Paix et la Démocratie.]] ? – “lien avec l’organisation terroriste PKK” ; arrestations et mises en détentions provisoires[[Depuis avril 2009, près de 2 000 maires et élus locaux, anciens maires, anciens députés, personnels communaux, présidents d’associations, syndicalistes journalistes, avocats, sont en détention provisoire.]] ? – “complicité dans des actes criminels et de démonstrations violentes organisés par les groupes liés au PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, organisation terroriste “. Et les enfants ? “Ils ont commis des actes de terrorisme !”. Il faut savoir que ces enfants qu’on traite de terroristes ont été interpellés et jetés en prison pour avoir lancé des pierres contre les forces de l’ordre ou pour avoir fait le symbole de la victoire lors des manifestations[[Eshat Aktas, coordonnateur de l’association de défense des droits des enfants du barreau de Diyarbakir révèle qu’en 2009 ce sont 1 300 enfants qui ont été détenus ou jugés en vertu de la loi anti-terreur (TMY) dans les régions de l’Anatolie de l’est et du sud-est à prédominance kurde. Le Président du Barreau de Batman, Yusuf Tanrıseven, cite l’exemple d’une fillette de 15 ans (Berivan S.) qui s’est vue condamner le 26 janvier 2010 par la Haute Cour criminelle de Diyarbakir à 13,5 ans d’emprisonnement (peine ramenée à 7 ans et 9 mois en raison de son jeune âge) pour avoir participé à une manifestation.]].
… qui n’est pas à une contradiction près,
L’attitude autiste de la Turquie quand il s’agit de la question kurde tranche avec la soudaine “clairvoyance” quand il s’agit de la question palestinienne. On peut lire dans la dépêche du 4 juin 2010 de l’AFP :
Le Hamas n’est pas un groupe terroriste, a affirmé aujourd’hui le premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan dans des déclarations retransmises à la télévision. D’après Info Palestine, le Premier Ministre turc a critiqué les puissances occidentales qui refusent, selon lui,
de donner une chance au Hamas de s’engager dans un processus démocratique ;
il aurait ajouté que le gouvernement israélien pratique le terrorisme d’Etat. Franchement, on croit rêver ! Ce discours peut s’appliquer au mot à mot à la question kurde et à la Turquie ! Le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More n’est pas une organisation terroriste et les Kurdes réclament en vain l’ouverture démocratique.
Le gouvernement israélien, traité “d’hypocrite et de paranoïaque” rétorque en accusant la Turquie d’avoir provoqué sciemment les incidents :
c’était une opération terroriste, a lancé le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou ;
toute l’opération est orchestrée par IHH, une organisation islamiste turque impliquée depuis longtemps dans des activités terroristes,
avait déjà déclaré le ministère des Affaires étrangères.
Inutile d’insister, la démonstration est faite : le terme “terroriste”, complètement dévoyé, est le cache-sexe des politiques sécuritaires.
… s’enfonce délibérément dans la guerre.
La Turquie vient de perdre (définitivement ou non ?) un interlocuteur de poids dans la recherche d’une solution politique de la question kurde : malgré toutes la politique répressive du gouvernement AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More qui s’est considérablement durcie depuis avril 2009 avec une remontée spectaculaire du nombre d’atteintes aux libertés, Abdullah Öcalan continuait, du fond de sa prison, à jouer la carte de la modération pour ne pas compromettre les chances d’une négociation : c’est à sa demande que le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More avait prolongé son 9eme cessez-le-feu décrété unilatéralement et qu’avaient cessé les manifestations de décembre 2009 qui tournaient à “l’intifada”.
Tactique ou lassitude? On ne sait pas encore mais le journal Özgur Politika affirme que l’illustre prisonnier jette l’éponge :
en l’absence de vrais interlocuteurs, ces efforts n’ont plus de sens,
aurait-il déclaré à ses avocats, confiant en quelques sorte la suite des opérations aux dirigeants du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More et aux dirigeants du Parti pour la Paix et la démocratie (BDP).
La suite ne s’est pas fait attendre : le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More vient de faire savoir, par une déclaration à l’AFP, que
le cessez-le-feu unilatéral avec la Turquie avait pris fin.
Les combats ont repris, l’été risque d’être chaud.
Les Kurdes souhaiteraient que la communauté internationale prête également attention à leur situation : il faut agir avant qu’il ne soit trop tard.
André Métayer