Vice-président de l’Association turque des Droits de l’Homme (IHD) et président de la section de Diyarbakir, Raci Bilici, une grande figure de la défense des Droits de l’Homme en Turquie, a été interpelé à son domicile ce 15 mars 2017 et immédiatement transféré à Diyarbakir, au siège de la police anti-terroriste où il a été mis en garde à vue, dont l’issue est malheureusement prévisible. Son domicile a été perquisitionné et ses avocats n’ont pas accès au dossier selon une “ordonnance de confidentialité”.
L’IHD, créée à Ankara en 1986 à la suite d’une recrudescence de faits de maltraitance sur les prisonniers politiques, a lancé un cri d’alarme et demande l’intervention de la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH) dont elle est membre :
avec l’état d’urgence, les droits et les libertés fondamentaux sont systématiquement et largement violés. Un grand nombre de responsables politiques, de journalistes, d’universitaires, d’intellectuels, d’auteurs, d’étudiants, de membres de syndicats et de toutes sortes de groupes sont interpellés et mis en détention. Les défenseurs des droits de l’homme sont également soumis à des interventions telles que menaces, oppressions, expulsions, arrestations et détentions.
Raci Bilici est bien connu des Amitiés kurdes de Bretagne, qui l’ont rencontré à plusieurs reprises. Laetitia Boursier a rendu compte de l’entretien accordé le 29 avril 2013 dans des circonstances particulières :
au moment même où se déroulait la rencontre, une vingtaine de détenus politiques kurdes de la prison de Tekirdag, près d’Edirne (à l’ouest d’Istanbul) entamaient leur 37e jour de grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention exécrables et contre le fait de les tenir éloignés de leurs familles : Raci Bilici rappelle également que les droits des mineurs sont de moins en moins respectés.
Il était néanmoins confiant dans le processus de paix amorcé avec les négociations entre l’Etat turc et Abdullah Öcalan :
il a fallu attendre le 21 mars 2013 pour voir la situation évoluer positivement. Jusqu’à cette date, comme dans chaque conflit, les Droits de l’Homme étaient bafoués mais, depuis l’appel d’Abdullah Öcalan, le cessez-le-feu est respecté. Il n’y pas d’affrontements, il n’y a pas de morts. Il faut néanmoins rester vigilant et surveiller l’évolution du processus.
Raci Bilici, resté vigilant, faisait part, lors d’un entretien accordé en 2014 à une délégation AKB conduite par Marie- Brigitte Duigou et Michel Besnard, de ses inquiétudes et constatait que les points négatifs étaient “nombreux” :
l’Etat turc n’a rien lâché de ce qui avait été promis concernant la reconnaissance des droits des Kurdes et le Premier ministre RT Erdoğan ne fait pas ce qu’il a promis mais il restait néanmoins confiant, persuadé que
le problème se résoudra en dehors des armes. C’est le message des Kurdes, et la Turquie l’a compris
concluait-il.
Raci Bilici, avant sa mise en garde à vue, avait été pris pour cible par les médias proches du pouvoir et menacé par des personnes et des milieux non identifiés.
Pour autant l’IHD continue courageusement son combat dans tous les domaines : défense du droit à la vie et de la liberté d’expression, résistance à toutes sortes de tortures, disparitions forcées, meurtres non résolus, discriminations, droits des enfants, droits LGBTI, les droits des immigrés, des réfugiés… Son approche globale des droits de l’homme et de la lutte contre ses violations a fait de l’IHD une cible pour l’Etat, qui considère les organisations de défense des droits humains comme des “ennemis domestiques dangereux”.
L’IHD dénonce la détention illégale de Raci Bilici et exige sa libération immédiate.
André Métayer