“Je suis à Paris par solidarité avec le peuple français contre le terrorisme”, a tweeté en français le premier Ministre turc, Ahmet Davutoğlu, annonçant sa participation à la grande manifestation organisée à Paris le 11 janvier dernier pour défendre la liberté d’expression après les attaques meurtrières qui ont couté la vie à 17 personnes, parmi lesquels les journalistes de Charlie Hebdo. Sa présence avait soulevé des interrogations tant il est vrai que la Turquie occupe la peu honorable 154° place (sur 180) au classement mondial de la liberté de la presse.
C’est donc sans surprise que nous apprenons que ce même Ahmet Davutoğlu s’en est pris, trois jours plus tard, à Charlie Hebdo, après la parution de la caricature du prophète Mahomet dans le numéro d’après la tuerie du 7 janvier. “Nous ne pouvons accepter les insultes faites au prophète”, a insisté le chef du gouvernement. Dans le même temps il a ordonné une descente de police dans les locaux du quotidien kémaliste Cumhuriyet, qui avait publié par solidarité cette caricature de Mahomet ainsi qu’un encart en turc reprenant l’essentiel des articles et des dessins de Charlie Hebdo. Il a ordonné en quelques heures le blocage de toutes les pages web affichant le dessin du prophète, qualifié “d’insulte pour les croyants”. Le parquet général d’Istanbul a lancé une enquête préliminaire contre Cumhuriyet pour dénigrement des valeurs religieuses.
Le Parlement européen condamne les attaques contre la liberté de la presse en Turquie
Le Parlement européen a condamné jeudi les descentes policières et les arrestations de journalistes survenues mi-décembre en Turquie, qui s’inscrivent selon lui dans une “logique lamentable de pression accrue du pouvoir sur les médias”. La résolution adoptée le jeudi 15 janvier par 551 voix pour, 11 contre et 31 abstentions, condamne les descentes policières et la mise en détention de plusieurs journalistes en Turquie au mois de décembre dernier. Le Parlement s’est déclaré préoccupé par “le recul des réformes démocratiques et, en particulier, le recul de la tolérance du gouvernement pour les manifestations publiques et les médias critiques” et ce au moment où le premier ministre turc se trouve à Bruxelles pour négocier avec les dirigeants de l’Union européenne l’accélération du processus d’adhésion de la Turquie. Les députés européens ne pouvaient faire moins que de rappeler au gouvernement islamo-conservateur de la Turquie et à son président, jouant de plus en plus au grand vizir ottoman, “qu’une presse libre et plurielle est une composante essentielle de toute démocratie”.
Twitter et Facebook seraient menacés de fermeture en Turquie, ainsi que d’autres sites internet pour avoir publié des informations concernant la fouille et la saisie de camions appartenant aux services de renseignement (MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More) soupçonnés d’acheminer des armes vers la Syrie. Affaire à suivre.
André Métayer