Cher Selahattin,
10 avril, c’était ton quarante-huitième anniversaire. Malheureusement tu le passes dans les geôles d’Erdoğan pour avoir osé le défier directement en te présentant contre lui aux élections présidentielles et en t’opposant de toutes tes forces au régime dictatorial qu’il est en train de mettre en place. Déjà 5 ans que tu es embastillé, depuis que ton immunité parlementaire a été levée par les députés de l’AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More, parti aux ordres du président, mais aussi avec la complicité du MHP et du CHPParti républicain du Peuple (Cumhuriyet Halk Partisi), parti kémaliste et nationaliste de centre-gauche. More. Quelle honte ! Et aujourd’hui on veut mettre hors la loi le parti, ton parti, le Parti démocratique des Peuples (HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More), l’espoir de tous les démocrates kurdes et turcs, que tu as co-présidé jusqu’en 2014 avec Figen Yüksekdağ, elle aussi en prison. Toutes les demandes de remise en liberté conditionnelle à laquelle tu as droit ont été systématiquement refusées. Même la décision de la plus haute instance de la Cour européenne des Droits de l’Homme en décembre 2020 demandant ta remise en liberté n’a pas été suivie d’effet. Tu restes donc détenu depuis le 4 novembre 2016 à Edirne, en Turquie, aux confins de la Grèce et de la Bulgarie, à quelques mille cinq cents kilomètres de Diyarbakir où réside ta famille.
Tu es né le 10 avril 1973 à une époque où la terreur de la junte de 1971 battait son plein contre la gauche et la résistance kurde, au moment où le cinéaste Yilmaz Güney était traduit devant le tribunal militaire. Accusé de propagande communiste et de séparatisme, le cinéaste qui apportait son soutien aux mouvements ouvrier, kurde et étudiant passa une douzaine d’années dans les prisons turques. C’est de sa prison qu’il conçut ses deux chefs-d’œuvre cinématographiques : “Le Troupeau” et “Yol”.
Comme Yilmaz Güney, tu as mis à profit ton enfermement carcéral pour écrire deux livres magnifiques, “L’aurore” et “Et tournera la roue”. C’est ta façon d’affirmer ta foi dans l’avenir. On y retrouve l’homme qu’on aime, humaniste, progressiste, féministe, l’homme politique qui choisit la littérature pour dire son attachement à son pays et sa foi en la démocratie et la paix.
Je compte sur mes amis kurdes pour te transmettre ce message : sache que ton image est intacte, ici à Rennes, où tu as de nombreux amis, fidèles parmi les fidèles.
Nous espérons tous et toutes avoir la joie et l’honneur de t’accueillir à nouveau à Rennes, dans un avenir le plus proche.
Oui cher Selahattin, la roue finira par tourner.
Rojbûna te pîroz be.
André Métayer
Et tournera la roue de Selahattin Demirtaş, Editions Emmanuelle Collas, 2019, 16,90 €.
L’Aurore de Selahattin Demirtaş, Editions Emmanuelle Collas, 2018, 15 €.
Ecrire :
Selahattin Demirtaş
Edirne F tipi kapalı cezaevi B1-36
Edirne/Türkiye