“C’est historique, c’est la fin de l’impunité pour les assassinats politiques en France commandités depuis l’étranger” a déclaré Antoine Comte, l’un des avocats des parties civiles, à l’annonce de la décision de justice d’ouvrir une information judiciaire sur l’implication des services de renseignement turcs (MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More) dans le triple assassinat de Sakine Cansız, Fidan (Rojbîn) Doğan, et Leyla Saylemez, commis en plein Paris, au 147 rue Lafayette le 9 janvier 2013.
Nous avons évoqué l’affaire à nombreuses reprises et les AKB ont publié le livre “Rojbîna me” (notre Rojbin). L’instruction précédente avait été limitée à la personne d’Omer Güney, le présumé coupable, et l’action s’était éteinte à la suite de son décès en prison. Pour autant, comme l’a déclaré Jean Louis Malterre, autre avocat des parties civiles, “la justice avait reconnu l’implication des services turcs et, après la mort du suspect, nous avons insisté sur le fait qu’il n’avait pas agi seul et qu’il avait reçu une arme des services secrets turcs”.
L’ambassadeur de Turquie en France était directeur adjoint du MIT en 2013
Les soupçons visant la Turquie et le MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More avaient été démentis par les autorités d’Ankara dès 2014. A l’annonce de la réouverture de l’action judiciaire visant directement les services secrets turcs (MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More), l’ambassadeur de Turquie en France, Ismail Hakki Musa, sollicité par le journal “Le Monde”, s’est refusé à toutes déclarations. Rappelons que cet ambassadeur parfaitement francophone était, au moment des faits, directeur adjoint du MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More, précisément en charge du “renseignement extérieur” et donc en position de superviser l’opération du “147”. Il peut donc être directement visé par cette réouverture de l’enquête. Sa nomination à Paris en 2016, n’était pas le fruit du hasard : elle était éminemment stratégique.
Ce triple assassinat va-t-il mettre fin à la triste série d’assassinats politiques impunis commis sur notre sol (Mehdi Ben Barka, opposant au roi Hassan II, Dulcie September, militante anti-apartheid, Ali Mécili, avocat opposant au régime algérien, Henri Curiel, militant communiste et anticolonialiste… ? Nous avons demandé son sentiment à notre ami Nils Andersson, éditeur–militant emblématique qui a beaucoup enquêté sur ces crimes politiques et a livré nombreux combats pour les dénoncer. Cité comme témoin devant le Tribunal permanent des peuples (TPP) les 15 et 16 mars 2018, il a replacé le triple crime de la rue Lafayette dans la longue et triste histoire des crimes politiques perpétrés sur le sol français.
André Métayer
Nils Andersson : “l’événement est considérable”
La reprise de l’enquête des complicités dans l’assassinat de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez constitue une très importante victoire : victoire des familles et camarades, fidèles à leur mémoire, victoire du peuple kurde nié et supplicié par Erdoğan et ses sbires, victoire de la justice et des avocats de la défense.
Pour en comprendre l’importance, il faut rappeler que depuis 1965 plus de cinquante assassinats politiques, impliquant des services étrangers, ont été commis en France. La plupart ont été classés sans suite ou des non-lieux ont été prononcés, rares sont ceux qui ont abouti à un procès. Et, quand il y a eu procès, seuls des exécutants ont été jugés, sans jamais que les commanditaires soient poursuivis, cela même quand le crime a été reconnu par l’État assassin.
Après le décès du meurtrier présumé de Sakine, Fidan et Leyla, le procès ne put avoir lieu et, malgré l’accumulation de preuves sur le rôle et les responsabilités les services secrets turcs, le MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More, l’action de la justice était éteinte, l’affaire classée.
L’aboutissement, six ans après, d’une nouvelle plainte et l’ouverture par le parquet de Paris d’une information judiciaire pour « complicité d’assassinats en relation avec une entreprise terroriste » et « association de malfaiteurs terroriste criminelle » dans l’assassinat de Sakine, Fidan et Leyla ouvre une enquête sur les commanditaires. L’événement est considérable, une rupture avec cinquante ans de silence et de collusion policière et judiciaire. Espérons qu’il sera rendu justice.
Nils Andersson