L’affaire n’est pas nouvelle mais vient de sortir dans la presse française à l’occasion d’une possible inculpation d’un père et d’un grand-père pour “homicide prémédité avec circonstances aggravantes, perpétré avec cruauté”, par le Parquet de Kahta, ville kurde de 60.000 habitants (région d’Adıyaman) tenue par l’AKP[[parti islamo-conservateur du Président de la République de Turquie, Abdullah Gül, du Premier Ministre Erdogan et de son gouvernement et majoritaire à la Grande Assemblée (le Parlement turc)]] : il faut sans doute chercher là l’explication dans le fait que ces pratiques “dignes du Moyen-Age”, n’aient suscité, d’après Canan Güllu, Présidente de la Fédération des associations féministes (TKDF) que peu de réactions de la part des principaux acteurs politiques, et n’aient pas fait la “une” de la presse.
Pourtant ce crime est particulièrement atroce : Jean Marcou, Professeur de droit public à l’Institut d’études politiques de Grenoble, et pensionnaire scientifique à l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul (IFEA), écrit dans l’Observatoire de la vie politique turque (OVIPOT) :
Le corps de Medine Memi (16 ans) a été récemment retrouvé, ligoté en position assise, au fond d’une fosse recouverte par une chape de béton, dans un jardin attenant à la maison de sa famille, qui réside à Kahta, une petite ville située dans la province d’Adıyaman, au pied du Nemrut Dağı. L’autopsie de la jeune fille, qui avait «disparu» depuis 40 jours selon ses proches, a révélé qu’elle était encore vivante lorsqu’elle a été enterrée, probablement par son père et son grand-père, qui lui reprochaient de trop sortir et d’avoir des conversations téléphoniques avec des hommes. Mais l’enquête indique également que Medine serait allée se plaindre, à quatre reprises, aux autorités locales, des coups et mauvais traitements, dont elle et les femmes de son entourage étaient régulièrement victimes. Ce constat amène les associations féministes et certains médias à pointer du doigt, une fois de plus, l’inaction coupable de l’Etat à l’égard de pratiques qui demeurent courantes, en dépit des législations adoptées et des programmes lancés dans le sillage de la candidature d’Ankara à l’UE.
Le BDP, le Parti pour la Paix et la Démocratie[[nouveau parti pro-kurde qui continue la lutte politique en lieu et place du DTP dissout]] a, quant à lui, réagi immédiatement par la voie parlementaire ; Fatma Kurtulan, députée de Van, a déposé une question écrite sur le Bureau de la Grande Assemblée pour interpeller durement Selma Aliye, Ministre d’Etat chargée des Droits de la Femme et de la Famille :
Quelle enquête votre ministère a-t-il diligenté suite à cette affaire particulièrement odieuse ? Etait –il été informé des plaintes que la jeune Medine Memi avait, à plusieurs reprises, déposées auprès des autorités locales concernant les violences dont elle était victime ? Pourquoi n’avez–vous pas constitué une cellule de veille pour combattre ces violations graves et répétées des droits de la femme ?
Eyyup Doru, au nom de la représentation en Europe du BDP, condamne de la façon la plus ferme ce crime qu’il qualifie de “crime contre l’Humanité” :
Nous travaillons depuis des années pour faire sortir les femmes des tâches ménagères et pour qu’elles puissent accéder à la politique ; et les résultats sont là : nous sommes le seul parti en Turquie (et même au Moyen-Orient) qui traduise ses déclarations en actes : lors de notre premier congrès tenu récemment à Ankara, nous avons choisi les membres de la direction nationale à parité, soit 10 femmes et10 hommes”.
[…] La mentalité archaïque du système politique turc autorise ce type de crime que nous considérons comme un “crime contre la Humanité” et non pas, comme la presse turque le présente, comme un “crime d’honneur”. La libération de la Femme est pour notre parti, vous en êtes témoins, et pour l’ensemble du Mouvement de la Résistance kurde, l’une de nos priorités. Nous avons déjà mené et nous menons toujours des campagnes au niveau national et international pour empêcher ce type de crime dont les auteurs, qui sont des assassins, sont souvent protégés par les régimes turcs ou iraniens.
A noter également qu’un tiers des combattants du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More sont des combattantes.
André Métayer