Plus de 400 personnalités politiques kurdes, détenu[e]s dans les prisons turques ont entamé une grève de la faim illimitée depuis le 15 février dernier. Ils réclament la libération d’Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 13 ans et privé de visite depuis juillet dernier, et la reconnaissance des droits politiques du peuple kurde dans le cadre d’une autonomie démocratique pour le Kurdistan.
C’est une mobilisation sans précédent avec tous les risques qu’elle comporte. En 1982, déjà, quatre militants historiques du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More avaient fait une grève de la faim jusqu’à la mort dans la prison de Diyarbakir. Au cours de la même année, quatre autres militants s’étaient immolés par le feu. Mazlum Dogan, l’un des fondateurs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More) s’était aussi immolé par le feu le 21 mars 1982, le jour de NewrozNouvel an kurde (21 mars). More, après avoir symboliquement allumé trois allumettes.
Cette grève de la faim est soutenue par l’opinion publique kurde, les dirigeants en tête. Déjà des députés kurdes, encore en liberté, ont observé une grève de la faim de quarante huit heures, en solidarité avec les détenu[e]s et des membres de conseils régionaux des provinces dirigées par le BDP viennent de prendre le relais. Des mouvements semblables sont déjà organisés dans les villes du Kurdistan (notamment à Hakkari, Diyarbakir, Batman, Istanbul, Van et à Sirnak) et bientôt dans les capitales européennes. Le mouvement est initié par les deux députés de Sirnak, incarcérés depuis avril 2009 : il s’agit de Selma Irmak et Faysal Sariyildiz,
Selma Irmak
Selma Irmak, née en 1971 à Kiziltepe (province de Mardin), élue députée de Sirnak en juin 2011, fait partie de ces jeunes femmes qui militent dans les organisations étudiantes et au centre culturel de Mésopotamie (MKM). Animatrice de l’institut kurde d’Istanbul, elle a déjà connu la prison en 1994. Membre du HADEP, puis du DTP, dont elle devient la présidente de la section régionale de Konya, candidate lors des élections municipales de mars 2009, elle est interpellée en avril et mise en détention. Elle est toujours incarcérée à la prison de Diyarbakir, malgré son immunité parlementaire. Dans une lettre émouvante adressée à ses collègues députés, elle écrit :
Depuis le 15 février, nous, six femmes, Hacire Özdemir, Fadik Bayram, Ayşe Irmak, Leyla Deniz, Işık Pinar, Dirayet Tasdemir et moi, entamons une grève de la faim totale, sans interruption et sans rotation. Nous sommes habitées par l’esprit de résistance de celles qui, dans cette prison même, réussirent à s’opposer en 1980 à la junte militaire. Comme toutes ces femmes du donjon de Diyarbakır, nous déchirons les ténèbres depuis 15 février. Nous voulons faire entendre notre voix et celles de notre peuple. C’est notre façon d’être avec vous dans la résistance démocratique.
Faisal Sarıyıldız
Faisal Sarıyıldız, né en 1975 à Cizre, a été aussi élu député de Sirnak. Cet ingénieur en construction mécanique est connu comme journaliste écrivant dans deux journaux kurdes, “Ülkede Gündem” et “Özgür Bakis”. Arrêté lui aussi après les élections municipales de 2009, mis en détention, il est toujours incarcéré à la prison de Mardin malgré son immunité parlementaire. Avec tous les grévistes de la faim, il demande la libération d’Öcalan et tous les prisonniers politiques, la reconnaissance officielle des droits collectifs du peuple kurde, notamment la reconnaissance de l’identité kurde et le droit à l’enseignement en kurde.
Les prisonniers sont déterminés à poursuivre la grève de la faim jusqu’au bout. Le gouvernement AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More et le Ministère de la Justice seront tenus pour responsables de toutes les conséquences négatives
a prévenu la présidente de Tuhad-Fed (Fédération des associations d’assistance juridique pour les familles de prisonniers politiques).
De leur coté, les huit mille militants du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More détenus dans les prisons turques ont annoncé qu’ils saisissaient les Nations Unies pour bénéficier du statut de prisonnier de guerre.
André Métayer