Né en 1957 au Kurdistan d’Irak, Dilshad Questani avait 6 ans quand il a vu sa maison, parmi tant d’autres, être incendiée et détruite sous ses yeux sur ordre de Saddam Hussein. Sa famille quitte alors Kirkuk pour s’installer à Suleimaniye, ville culturelle et artistique kurde. Dilshad, passionné d’art, de poésie et de chant, adhère en 1991 à l’Union des Artistes kurdes. En 1998, il arrive en France et s’installe à Chaumont. Il obtiendra la nationalité française en 2010. Peintre reconnu, il expose ses œuvres en France et à travers le monde : Grèce, Allemagne, Japon, Corée, Dubaï, Sharija, Londres, Irak. Il exprime, à travers ses toiles, l’amour de son pays et sa palette de couleurs traduit le feu intérieur qui l’anime. Il a bien voulu répondre à nos questions.
AM – Certaines de vos œuvres me font penser à certaines du peintre Turner, le “peintre de la lumière” et précurseur des impressionnistes : qu’en pensez-vous ?
Dilshad Questani – Je ne connaissais pas Turner quand j’ai commencé à peindre. Mes peintres de référence sont Picasso, Van Gogh et Monet.
AM – Votre peinture a-t-elle été toujours non figurative ou est-elle passée par des phases successives ?
DQ – ma peinture est en général abstraite, mais quand je veux m’exprimer sur des sujets comme la politique, les femmes, je vais vers le figuratif, avec des personnages en demi-teinte. Mais mon style est abstrait et je peux parler de politique avec de l’abstrait. Quand j’utilise le figuratif c’est pour faire une série particulière.
AM – Votre palette de couleurs semble assez large mais avez–vous une préférence pour l’une d’entre elles ?
DQ – (la réponse fuse sans hésiter) oui, la couleur orange.
AM – Oui, mais encore ?
DQ – La couleur Orange est un mélange de Rouge et de Jaune, ce qui fait d’elle la couleur la plus actinique. Vous savez que la religion primitive des Kurdes était le zoroastrisme, avant leur islamisation forcée. Et bien, pour moi, en tant que zoroastrien, cette couleur chaude, intime, accueillante évoque le feu, la chaleur, le soleil, le sacré.
AM – Vos toiles expriment une grande violence : n’est-elle pas l’expression de votre histoire personnelle ?
DQ – Mes peintures sont surtout lumineuses et expriment l’avenir d’un peuple qui a mal vécu toutes les périodes de son existence. Peuple opprimé, oublié de l’Histoire et de la communauté internationale. Personnellement j’ai vécu 3 guerres et, peshmerga, je me suis battu contre Saddam en tant que kurde. Si je le pouvais, je reprendrais les armes pour défendre mon peuple, un peuple coupé en quatre, face à Daesh. Je lutte à ma manière avec mon art et ma sensibilité. J’ai peint un tableau en hommage à Kobanê (1), un des rare qui soit figuratif, sur ton bleu, couleur froide, avec des personnages en fond qui luttent. Dans mes toiles j’exprime l’espoir et l’avenir pour les Kurdes… j’exprime aussi ce que je ressens, intérieurement, moi l’artiste Dilshad. Ce sont les paysages de mon âme. Aujourd’hui je suis heureux comme jamais je ne l’ai été. Je me sens fort.
AM – Vous utilisez vos pinceaux pour dénoncer la guerre au Moyen-Orient : quels regards portez-vous sur les événements ?
DQ : dans chaque acte il y a du négatif et du positif. Le positif des événements tragiques est que maintenant on connait les Kurdes. Le monde sait que c’est un peuple courageux, qui prône l’égalité homme/femme. Ces événements ont permis un rapprochement des différentes factions kurdes pour aller vers l’unité. Ce peuple mérite de vivre libre et doit continuer à prendre son destin en main. Il y a 2 ans, quand je suis venu à la Roche-sur-Yon pour la semaine culturelle kurde (2), personne ici ne savait qui était vraiment les Kurdes et j’ai fait tout mon possible, à cette occasion, pour faire découvrir l’identité culturelle kurde. Et je continue toujours et toujours mais maintenant les gens ont entendu parler des Kurdes et c’est plus simple. Par contre il est dommageable que ce soit à travers une guerre, encore une fois, qu’ils apprennent à connaître ce peuple oublié. J’espère que le RojavaKurdistan occidental (Kurdistan de Syrie), divisé en trois cantons : Cizirê (le canton le plus peuplé comprenant notamment la ville de Qamişlo), Kobanê et Efrin. More ira aussi vers l’autonomie et que le peuple kurde retrouvera son unité à travers ses quatre composantes.
Interview recueillie par André Métayer avec la collaboration de Mauricette Gautier.
Dilshad Questani expose
- du 7 au 14 mars 2015 à Aubigny (“Echange de Regard”) : vernissage samedi 7 mars à 18 h.
- du 7 au 21 mars 2015 à Dompierre-sur-Yon (mairie) : vernissage samedi 7 mars à 11h.