Me Muharrem ERBEY, Vice-Président national et Président de la section de Diyarbakir de l’Association des Droits de l’Homme de Turquie (IHD), a été arrêté le 24 décembre 2009 lors d’une des rafles qui a touché également des dizaines d’élus (maires et conseillers municipaux notamment), anciens députés et de dirigeants du DTP (aujourd’hui dissout et remplacé par le BDP). Les policiers qui ont procédé à son arrestation l’ont conduit, sans l’autoriser à appeler un collègue avocat, au siège de l’association où ils ont immédiatement confisqué les disques durs de 12 ordinateurs et tous les CD, DVD, livres et documents. Me ERBEY a été exposé aux médias, tout comme les élus du DTP, les mains menottées dans la cour du Palais de justice.
Lors de son interrogatoire chez le Procureur, Me ERBEY a été accusé d’appartenance à une organisation illégale notamment en raison des activités suivantes :
1) avoir élaboré des projets et organisé des formations sur les droits des enfants, des femmes ;
2) avoir participé aux travaux d’élaboration d’une constitution civile et démocratique aux côtés d’organisations de la société civile ;
3) être le conseiller juridique du Maire de Diyarbakir M. Osman BAYDEMIR, de l’avoir défendu lors de nombreux procès intentés contre lui et de s’être rendu fréquemment à la Mairie de Diyarbakir ;
4) avoir accordé une interview à Roj TV (alors que depuis deux ans il accorde des interviews aux médias locaux et internationaux sans être inquiété) ;
5) avoir “ridiculisé” l’Etat turc lors de ses interventions aux parlements suédois, belge et anglais ainsi qu’au siège de Genève des Nations Unies ;
6) avoir “ridiculisé” les forces de l’ordre, avoir soutenu moralement “l’organisation“[[C’est-à-dire le PKK]].
Pourquoi assurez-vous la défense de plusieurs justiciables sans être rémunéré ?
lui a demandé le juge d’instruction.
Réponse de Me ERBEY :
de nombreuses victimes de torture, de mauvais traitements, de violations du droit à la vie et à la liberté d’opinion et d’expression s’adressent à l’IHD et, en tant que défenseur des droits humains, je donne une aide juridique gratuite aux personnes démunies ; c’est le lot quotidien des défenseurs des droits humains à travers le monde ; pourquoi une telle attitude serait qualifiée de délit à Diyarbakir ? Les défenseurs des droits humains ne font aucune distinction de sexe, d’origine, de classe sociale, d’opinion politique entre les victimes à défendre ; on peut trouver parmi elles aussi bien des parents de soldats, des épouses de policiers, des “gardiens de village”[[Milices kurdes armées et payées par le gouvernement turc]] que des sympathisants du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More et des filles portant le foulard.
Au terme de la procédure, le juge a ordonné son incarcération au motif qu’il aurait mené toutes ces activités au nom de “l’organisation“. Me ERBEY est actuellement incarcéré à la prison de haute sécurité (type D) de Diyarbakir.
Le CETIM (Centre Europe-Tiers Monde), le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) la LIFPL (Ligue internationale de femmes pour la paix et la liberté) condamnent fermement, dans un communiqué, l’arrestation et l’incarcération de Me Muharrem ERBEY et exhortent les autorités turques à le libérer immédiatement.
André Métayer