Le président Erdoğan, en enterrant le processus de dialogue lancé en 2013 avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More), qui avait suscité beaucoup d’espoir – y compris auprès des autorités françaises – et en entraînant son pays dans une quasi-guerre civile, a créé une situation qui n’est pas sans conséquence en France. Telle à Redon, au demeurant petite ville paisible, qui a été le théâtre d’affrontements violents entre Kurdes, venus assister le 13 mai à une conférence-débat sur le Kurdistan et Turcs issus de la communauté installée à Redon. Cette conférence, organisée au Centre social “Confluence” par la fédération anarchiste de Redon, n’avait pas pu avoir lieu à la date annoncée, le 26 mars, suite aux menaces turques qui mettaient en cause la sécurité des biens et des personnes. Il était donc hors de question que cette conférence soit de nouveau annulée. C’est en substance ce qu’a déclaré le maire (divers droite) de Redon, Pascal Duchêne, en réponse à ceux qui lui reprochent de ne pas l’avoir interdite :
la conférence devait se faire. Nous sommes en France, en République. Il y a des droits fondamentaux qui renvoient à la liberté d’expression. Il n’était pas envisageable d’annuler sous prétexte de possibles débordements. Ce que je veux, avant tout, c’est condamner les violences physiques. Il y a eu des dégradations, quelques blessés. Mais c’est surtout l’impact psychologique qu’il ne faut pas oublier.
Jean-François Lugué (UDB), conseiller municipal d’opposition à Redon, a confirmé, en tant que membre du bureau de l’association “Confluence”, les pressions et même les menaces dont furent l’objet des salariés de ce centre social de la part de membres de la communauté turque. Le préfet de région avait même été approché par l’Association culturelle des Turcs de l’Ouest (ACTO) pour que la conférence de Redon soit annulée. J-F. Lugué, présent à la conférence, écrit :
la situation était un peu surréaliste ! On a été à 2 doigts d’une bagarre générale, qui aurait pu être sanglante. On sait que la Turquie file un mauvais coton mais il semble que les Turcs de Redon filent de ce même coton.
Une quarantaine de Kurdes assurant la sécurité ont en effet été provoqués par des automobilistes proférant des insultes, avant qu’un rassemblement de Turcs ne se forme près du centre social et que les gendarmes, alertés, s’interposent. Une Redonnaise adhérente des AKB et présente à la conférence apporte également son témoignage :
la soirée prévue le 26 mars et annulée suite aux pressions exercées par des personnes de la communauté turque de Redon, a eu lieu hier soir. La salle était pleine et, à l’intérieur, le calme régnait avec un public évidemment concerné et intéressé. La conférence et les débats ont pu se dérouler. La communauté turque était aussi fort bien représentée dehors et, sans la présence des militants du Conseil démocratique kurde de Rennes (CDKR), venus en nombre, il est évident que la soirée n’aurait pu se tenir. La gendarmerie était aussi présente ainsi que les journalistes. La situation est préoccupante mais pas nouvelle : la communauté turque prend beaucoup de pouvoir ici.
Les Kurdes en colère condamnent “la violence et la bêtise”
Extrait du communiqué du Conseil démocratique kurde de Rennes (CDK-R) :
pris à partie, insultés, menacés, caillassés, les participants ainsi que les organisateurs sont choqués. Les journaux locaux qui ont relayé les événements ne font hélas pas mention de l’atteinte aux libertés et du caractère raciste des actes perpétrés par les ultra-nationalistes turcs présents ce soir là. Au contraire, le journaliste présent prétend même que ce sont les participants à la conférence qui ont jeté les premières pierres. Scandaleux !! C’est bien à la suite des provocations et attaques des opposants qu’ont éclaté les violences. Une cinquantaine de personnes, des ultra-nationalistes de l’extrême-droite turque, pour la plupart, farouchement opposés à la tenue de cette conférence, se sont approchés, armés de pierres, des locaux accueillant les conférenciers en proférant injures et menaces à l’égard des organisateurs et de la communauté kurde (“sales terroristes”, “sales Arméniens”, “sales Juifs”, “fils de p….”, etc.). Si la communauté turque peut en toute liberté réprimer la résistance kurde et écraser toute once de démocratie en Turquie, elle ne peut pas transporter ces méthodes au delà de ses frontières et encore moins dans un Etat de droit comme en France. Ceci est inacceptable.
Dans ce communiqué, le CDKR n’a pas manqué d’adresser ses “remerciements sincères” à la Fédération anarchiste de Redon, organisatrice de la conférence sur le Kurdistan, à M. le Maire de Redon ainsi qu’au Centre social de Redon, à tous ceux qui ont assisté à la conférence, participé au débat, et à tous ceux qui soutiennent les Kurdes dans la défense de leurs droits.
André Métayer