Le 12 juin est passé, les élections, c’est fait ! Les résultats ? tout le monde est content. L’AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More, parti islamo-conservateur au pouvoir, progresse en voix, frôle les 50 %, mais perd 15 sièges et rate la majorité qualifiée nécessaire pour modifier la constitution “à sa main”. « C’est l’essentiel », confie Gérard Chaliand rencontré à Saint-Malo au festival Etonnants voyageurs où il dédicaçait son dernier livre, “La Pointe du Couteau”. Cet ami de Kendal Nezan et de Bernard Dorin se méfie du Premier Ministre turc, Erdogan, qu’il considère comme un autocrate.
Le CHPParti républicain du Peuple (Cumhuriyet Halk Partisi), parti kémaliste et nationaliste de centre-gauche. More, parti social-démocrate fondé par Atatürk, est satisfait de ses 26 %, même si son espoir était d’atteindre les 30%. Son groupe parlementaire passe de 112 à 135 députés. Il rafle notamment au BDP le siège de Tunceli.
Le MHP, parti xénophobe d’extrême-droite, jubile : il recule en voix et en sièges (- 15) mais passe aisément la barre des 10% qui lui assure 54 sièges, ce qui n’était pas évident au terme d’une campagne électorale plombée par des révélations sulfureuses concernant la vie privée de certains de ses cadres.
Le succès du parti pro-kurde BDP (Parti pour la Paix et la Démocratie) est net. Il est salué par toute la presse kurde et reconnu par la presse turque. Il est d’autant plus méritoire qu’il est obtenu dans des conditions inéquitables : rappelons la fameuse règle des 10% qui l’oblige à présenter ses candidats comme « indépendants » ; que le BDP est le seul grand parti à ne pas bénéficier d’un financement public ; que des milliers de ses cadres sont en prison ; qu’il a été l’objet d’entreprises de déstabilisation de la part du Haut Conseil électoral (TSKTürk Silahlı Kuvvetleri, armée du gouvernement turc. More) ; l’impossibilité, pour les candidats indépendants, d’avoir des scrutateurs ; les intimidations policières jusque dans les bureaux de vote.
36 députés BDP vont donc siéger au Parlement de Turquie au lieu de 21, dont des figures connues comme Leyla Zana (Diyarbakir), Prix Sakharov et Hatip Dicle (Diyarbakir), qui va pouvoir sortir de prison grâce à son immunité parlementaire, mais aussi quelques personnalités que nous avons accueillies à Rennes : Sebahat Tuncel (Istanbul), Selahattin Demirtas (Hakkari), Sirri Sakik (Mus), Ayla Akat Ata (Batman). On peut encore citer Murat Bozlak (Adana), ancien Président du DEHAP, Erol Dora (Mardin), le premier chrétien assyro-chaldéen à entrer au parlement de Turquie et surtout Ahmet Türk (Mardin) et Aysel Tugluk (Van), anciens députés destitués et co-présidents du DTP dissout, aujourd’hui co-présidents du Congrès démocratique du Peuple (DTK), cette assemblée (considérée par les Kurdes comme leur Parlement) qui rassemble tous les élus du BDP – c’est-à-dire les députés, les maires, les conseillers municipaux et provinciaux – mais aussi des personnalités et des organisations de la société civile.
C’est une réponse sans conteste de la population kurde aux accusations infondées d’association de malfaiteurs au motif qu’ils sont en relation avec une organisation prétendue terroriste. C’est un désaveu cinglant infligé par les urnes à la marche arrière opérée par l’AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More qui, après avoir fait un semblant d’ouverture en 2009, s’enfonce dans la logique de guerre et de la répression. Dès dimanche soir, des appels téléphoniques angoissés venant de Diyarbakir faisaient état de charges policières et de tirs de grenades lacrymogènes contre la foule descendue par milliers dans la rue pour fêter dans la joie la victoire des urnes.
36 députés kurdes, c’est insuffisant pour imposer une nouvelle constitution pluraliste et démocratique et l’ouverture de négociations visant à la reconnaissance, par la Turquie, des droits légitimes du peuple kurde, mais l’AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More prendrait une lourde responsabilité en n’écoutant pas le message. La mobilisation de la rue ne semble pas faiblir.
André Métayer