Emin Alper, réalisateur du film “Abluka” n’a pu venir cet été au festival de Cinéma de Douarnenez du fait de l’état d’urgence dans lequel est plongé la Turquie. Dans une lettre (publiée dans le “Kezako” du festival) où il regrette de ne pouvoir venir présenter son film, qui obtint néanmoins un franc et mérité succès, il explique :
depuis trois ans, la Turquie traverse les temps les plus difficiles de son histoire contemporaine. C’est curieux, car lorsque j’écrivais le scénario d’«Abluka», le pays se trouvait dans une situation paisible. Lorsque nous avons commencé la pré-production, le mouvement de Gezi a surgi et nous avons tous partagé l’espoir d’une Turquie démocratique dotée de puissants contre-pouvoirs. Depuis, le gouvernement s’est cependant évertué à utiliser le moindre prétexte pour casser toute opposition et il est devenu de plus en plus autoritaire. Après l’abandon des négociations de paix en 2015 avec les Kurdes du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, la Turquie a vécu l’une de ses plus sanglantes années. Pour finir, le coup d’Etat raté du 15 juillet a failli nous plonger dans une dictature militaire. Il a servi de prétexte à la mise en place de l’état d’urgence, dans lequel sont suspendus l’ensemble des droits civiques. Nous sommes effarés de constater que notre film, qui envisage un avenir très pessimiste de la Turquie, ne dépeigne une situation désormais bien réelle. J’avais écrit ce scénario en espérant de ne jamais vivre un avenir aussi apocalyptique.
Emin Alper ne désarme pas pour autant : il fait partie des artistes et des intellectuels qui continuent à s’opposer à toute forme de dictature, qu’elle soit civile ou militaire.
André Métayer.