Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a rejeté mardi la décision rendue plus tôt par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sommant Ankara de libérer l’opposant kurde Selahattin Demirtaş, écroué depuis 2016. La CEDH a condamné la Turquie à verser 10 000 euros au requérant pour dommage moral et 15 000 euros pour frais et dépens. Rappelant les conclusions de la Cour, selon laquelle les prolongations de la détention de M. Demirtaş “poursuivent un but inavoué prédominant, celui d’étouffer le pluralisme et de limiter le libre jeu du débat politique,” la Présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), qui a demandé également la libération immédiate de Selahattin Demirtaş, a ajouté que les parlementaires ont besoin de certaines garanties et d’un haut niveau de protection de leurs droits et libertés fondamentaux pour pouvoir exercer leur mandat démocratique de manière efficace : « c’est pourquoi nous avons le devoir, en tant que membres de l’APCE et en tant que parlementaires nationaux, de veiller à ce que ces normes soient respectées dans nos juridictions nationales et dans toute l’Europe. »
“L’aurore”, le livre de Selahattin Demirtaş présenté à Lyon samedi prochain
Le livre « L’Aurore » de Selahattin Demirtaş sera l’occasion d’une rencontre avec son éditrice en France, Emmanuelle Colas, le 24 novembre à 15 h à la librairie Terre des Livres (86 rue de Marseille Lyon 7eme). Ce recueil de nouvelles, œuvre d’un poète, hommage au combat des femmes pour leur indépendance et leur autonomie, bat des records de tirage en Turquie (près de 200 000) malgré le black-out dont il est victime.
La Coordination lyonnaise Solidarité Kurdistan, qui mobilise le public lyonnais à cette occasion, poursuit dans un communiqué :
depuis le 4 novembre 2016, son auteur Selahattin Demirtaş est en prison pour le simple « crime » d’avoir été élu député par la population de sa circonscription à Istanbul ! C’est donc en prison qu’il a écrit son livre. En Turquie, depuis des années, Recep Tayyip Erdoğan a installé et renforcé au fil du temps un pouvoir autoritaire. Toute opposition démocratique lui est insupportable. Le prétendu coup d’État de 2016 lui a été prétexte pour renforcer encore sa dictature. 170 médias et journaux ont étés interdits et ceux qui paraissent toujours sont aux ordres, y compris le grand quotidien républicain de référence, Cumhuriyet, dont beaucoup de journalistes ont rejoint en prison plus de 130 de leurs confrères arrêtés dans le pays. Emprisonnées également plus de 90 000 personnes (pour autant que l’on puisse connaitre les chiffres réels) : fonctionnaires, syndicalistes, professeurs, juges, avocats, militaires, simples militant.e.s…
La répression frappe tout particulièrement le HDP
Au plan politique, la répression frappe tout particulièrement le HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More (Parti démocratique des Peuples) dont S. Demirtaş partageait la présidence avec sa camarade Figen Yüksekdağ. Le HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More est un parti de gauche, représentant un rassemblement de l’opposition démocratique, non nationaliste. Le HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More défend la multiculturalité, le multilinguisme et le multiconfessionnalisme. Il regroupe des représentants des nombreuses identités et confessions de Turquie : Turcs, Kurdes, Arabes, Arméniens (il a reconnu le génocide arménien), Turkmènes, syriaques, yézidis, chrétiens, musulmans. Il est un parti laïc. Et est également un défenseur des mouvements LGBT, harcelés par le pouvoir.
“Je n’accepterai jamais le déshonneur et la soumission”
Né en 1973 à Diyarbakir (où il s’illustra comme avocat défenseur des droits humains), il a été élu député à Istanbul (le HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More est le 3ème parti de Turquie avec 59 élus à l’Assemblée en 2015). À ce jour, le HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More compte plus de 30 maires (hommes et femmes) en prison (dont Firat Anli, la maire de Diyarbakir) et 96 élu.e.s destitués de leurs mandats suite à un décret de mai 2016 ! Aujourd’hui, les menaces, tabassages, arrestations voire assassinat sont monnaie courante…
Le 7 septembre 2018, S. Demirtaş a été condamné (pour « terrorisme », comme tou.te.s les condamné.e.s !) à 4 ans et 8 mois de prison. Et d’autres procès vont certainement suivre.
Écoutons-le s’adressant à Erdoğan dans une lettre ouverte : “Je ne tomberai jamais dans la demande de grâce, comme mendier la charité ni de toi ni des exécuteurs des persécutions qui sont à tes ordres. Même si je sais que je vais passer le restant de ma vie en prison, je n’accepterai jamais le déshonneur et la soumission”.
Les signataires :
Association Culturelle Mésopotamie, Amitiés Kurdes de Lyon Rhône Alpes, Association France Kurdistan du Rhône, Confédération nationale du travail, Europe Écologie les Verts du Rhône, Ensemble Rhône, Génération.s du Rhône, Mouvement de la Jeunesse Communiste du Rhône, Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) du Rhône, Parti Communiste Français du Rhône, Union Syndicale Solidaires du Rhône.