Les purges dans les universités ont pris un nouvelle forme suite à l’adoption du décret du 29 octobre 2016 qui change les règles d’élection des recteurs d’université, passant d’un vote des universitaires à un système de nominations par le Président, sur recommandation de l’anti-démocratique Conseil de l’Enseignement Supérieur (YÖK : Yükseköğretim Kurulu). Le 8 février 2017, le président du YÖK a ainsi annoncé la publication imminente d’une nouvelle liste pour une nouvelle purge à travers tout le pays, qui sera exécutée par ces nouveaux recteurs. Le gouvernement d’Erdoğan s’est engagé à liquider toute forme de pensée critique, des recherches ou des débats sur des points questionnant la démocratie, la paix et l’ordre public en Turquie, et pas seulement aujourd’hui mais pour toutes les générations à venir,
peut-on lire dans une déclaration publique d’Hisyar Ozsoy, député de Bingöl, vice co-président du HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More, responsable des Affaires étrangères.
Cette nouvelle attaque s’inscrit dans un vaste plan, qui touche déjà plus de 130 000 fonctionnaires en applications de plus de 20 décrets gouvernementaux, visant à punir et à éliminer toute opposition politique. Même l’armée est victime des purges : ses effectifs sont passés en quelques mois de 596 000 à 392 000 hommes, suscitant la grogne dans les rangs de la hiérarchie militaire de l’Otan.
La démocrature mise en place par un referendum le 16 avril prochain
Erdoğan entend faire valider toute sa politique répressive par un référendum “bidon”, tant les règles démocratiques sont bafouées : les organes de presse libres sont muselés, les élus politiques d’opposition sont emprisonnés, l’état d’urgence est maintenu, l’appareil d’État entièrement mobilisé pour le “oui”. Même la couleur des bulletins (blanc pour le oui, noir pour le non) indique dans quel sens il faut voter. Le référendum aura lieu le 16 avril. La campagne pour le “oui” devrait être lancée dès le 25 février. Avec une mainmise totale sur la justice, l’administration, l’ordre public et les médias, cette fausse démocratie qui sera gouvernée par un quasi-dictateur n’a plus que l’apparence : c’est ce qu’on nomme une démocrature.
L’Assemblée parlementaire européenne a reporté en avril le débat sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Turquie et son possible retour au processus de négociation. Erdoğan a donc les mains libres pour faire valider ses réformes et les recouvrir d’un vernis démocratique. L’Europe avalera une fois encore son chapeau.
André Métayer