Et si tous les Kurdes se réunissaient autour du symbole de Mahabad?

La République de Mahabad a été établie au Kurdistan iranien en 1946. Même si son éphémère succès est lié à la rivalité entre les États-Unis et l’URSS, cette expérience est demeurée un symbole de l’aspiration nationale des Kurdes. Proclamée le 22 janvier 1946, elle sera écrasée moins d’un an plus tard par les troupes iraniennes (Alain Gresh, Le Monde diplomatique).

Soixante six ans après, Massoud Barzani, Président de la région autonome du Kurdistan, célébrait le 19 février dernier à Erbil l’anniversaire de la création de cette République indépendante kurde de Mahabad où lui-même était né alors que son père y occupait le poste de général en chef. Et c’est lors de cette cérémonie qu’il a annoncé qu’il allait mettre la question du droit à l’autodétermination à l’ordre du jour du congrès du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), dont il est également président : “Nous allons soumettre aujourd’hui cette question de l’autodétermination car nous considérons que nous avons droit à l’autodétermination”.

Jamais un dirigeant kurde ne s’était exprimé aussi clairement sur cette épineuse question au moment où la question de la partition est posée en Irak et ce devant un parterre de personnalités kurdes issus des partis politiques et de la société civile venues des régions kurdes de Turquie et de Syrie. Étaient notamment présents Ahmet Türk et Aysel Tugluk, co-présidents du DTK (Congrès de la Société Démocratique), Selahattin Demirtaş, Leyla Zana, Sirri Sakik, Nazmi Gur, députés BDP (Parti pour la Paix et la Démocratie). C’est à Selahattin Demirtaş, co-président du BDP, qu’a échu la responsabilité de répondre.

ank-demirtas-grup-toplantisi11.jpg

Selahattin Demirtaş : “L’unité nationale ! Le peuple l’exige !”.

Appuyant Massoud Barzani qui avait souligné que l’arme de la division avait toujours été employée avec succès par les ennemis des Kurdes, Selahattin Demirtaş a rappelé les leçons à tirer des événements liés à l’histoire de Mahabad :

En tirant les leçons de ces événements de notre histoire, nous devons tracer de nouvelles cartes routières pour continuer notre lutte. Nous ne devons pas réitérer les erreurs du passé. L’unité nationale c’est le must de la politique! En tant que mouvement politique du Kurdistan, nous sommes au service du peuple kurde qui exige unité et solidarité. Nous sommes prêts à tout sacrifier pour faire l’unité nationale.

Une page d’histoire se joue dans le sud-ouest du Kurdistan où les Kurdes deviennent de plus en plus forts chaque jour. J’invite la nation kurde tout entière, tous les mouvements kurdes et tous les représentants kurdes à aider notre peuple là-bas, en Syrie. Nous sommes à leur côté. Cette conférence d’Erbil, cette conférence nationale est d’une importance majeure pour notre unité.

L’attitude agressive de la Turquie pourrait bien être l’élément déclencheur d’une nouvelle politique kurde au Moyen Orient. Sa dernière provocation a fait déborder le vase déjà trop plein d’amertume et de soupçon quand le parti islamiste turc, l’AKP, a usé de son influence sur les partis islamistes du Conseil national de Syrie (CNS), dont le siège est à Istanbul, pour empêcher toute reconnaissance de la communauté kurde : le CNS avait décidé d’appeler la Syrie qui suivrait la chute de Bachar El-Asad “République de Syrie”, afin d’intégrer toutes les communautés, mais, après la réunion à Istanbul, le CNS s’est ravisé et est revenu à l’ancienne appellation “République Arabe de Syrie”. Le message a bien été entendu.

André Métayer