La “Délégation rennaise Kurdistan”, devenue Amitiés kurdes de Bretagne en 2006, missionnée par Edmond Hervé, maire de Rennes et par André Lespagnol, président de l’Université de Rennes 2, avait rencontré, le 13 mars 1995 à Ankara, Feridun Yazar, avocat de Medhi Zana et des députés kurdes emprisonnés. C’était la deuxième mission d’une longue série pour cette association qui n’était pas encore juridiquement constituée. Son but : « observer la situation actuelle du peuple kurde » notamment à Diyarbakir, ville dont le maire Medhi Zana et sa femme Leyla Zana étaient alors en prison pour délit d’opinion. Edmond Hervé (ancien ministre et maire de Rennes à l’époque) “apporte son soutien”, notait Ouest-France les 11-12 mars 1995. L’objectif était de faire savoir les soutiens de la ville et de l’université de Rennes et de demander une autorisation pour rendre visite aux détenus.
Dans son rapport 1995, la délégation note que Feridun Yazar, qui se souvient de l’aide que Rennes avait apporté à Diyarbakir, a transmis à Medhi Zana, qui s’en réjouit, les initiatives prises. L’avocat confirme malheureusement l’impossibilité d’obtenir le droit de visite que la délégation sollicitait, autorisation du ressort du ministère de la Justice. A une des questions posées, Feridun Yazar répond que, pour aider Medhi Zana, le mieux est d’empêcher la conclusion de l’union douanière entre l’Europe et la Turquie, regrettant au passage l’attitude du ministère français des Affaires étrangères qui œuvre énormément pour la signature de cet accord : “bien sûr que nous sommes pour l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, mais après la résolution de la question kurde.” Sur la question de la santé de Medhi Zana, il se veut rassurant et… combatif : “Medhi a bon moral. Il continuera son combat jusqu’à la fin de sa vie. Il sera le Mandela de la Turquie si un jour elle devient démocratique.”
L’Institut kurde de Paris lui rend hommage aujourd’hui : figure connue et respectée tant dans le monde politique kurde que dans l’opinion turque, Feridun Yazar joua un rôle de premier plan lors de l’affaire de l’arrestation, en mars 1994, des députés kurdes dont Leyla Zana. Pendant des années, c’est lui qui recevait à Ankara les nombreuses délégations étrangères venues assister au procès des députés ou souhaitant leur rendre visite.
Ces dernières années, tout en exerçant son métier d’avocat, il continuait de jouer un rôle de sage et de médiateur dans la vie politique kurde de Turquie.
La délégation garde un souvenir ému de sa rencontre avec cet avocat, ancien maire d’Urfa et ancien compagnon de cellule de son ami Medhi Zana, un militant au visage souriant et à l’allure tranquille, mû par une force de conviction qui ne s’est jamais départie.
André Métayer