Istanbul : le syndrome du 1er mai à Taksim
Le gouvernement islamo-conservateur d’Erdoğan a provoqué les organisations syndicales et le CHPParti républicain du Peuple (Cumhuriyet Halk Partisi), parti kémaliste et nationaliste de centre-gauche. More, parti nationaliste d’opposition, en interdisant les manifestations qui se déroulent traditionnellement sur la place de Taksim, devenue un symbole depuis que des “inconnus” (jamais recherchés) ont mitraillé la foule le 1er mai 1977, faisant 34 morts.
Istanbul a renoué aujourd’hui avec une époque que l’on croyait révolue : celle de la paranoïa sécuritaire qui a marqué les tentatives de célébration du premier mai, sur la place Taksim, entre 1977 et 2010
regrette Jean Marcou dans son article paru sur l’OVIPOT.
Les prétexte de cette interdiction est une « raison de sécurité » mais chacun a pu voir au mieux une maladresse, au pire son caractère insidieux. 22 000 policiers anti-émeute ont été mobilisés pour empêcher tout rassemblement. Les affrontements ont été violents, faisant des blessés de part et d’autres. “Mort au fascisme”, “longue vie au 1er mai” ont scandé les manifestants. Des échauffourées ont continué pendant plusieurs heures dans les quartiers menant à Taksim.
Le transport routier, ferroviaire et maritime vers Taksim a également été suspendu, Un groupe d’une trentaine de féministes, agitant leurs drapeaux violets, a été repoussé par la police à coups de grenades lacrymogènes. La police a procédé à de nombreuses arrestations. Elle avait déjà procédé à des perquisitions au siège de la centrale syndicale DISK (Confédération des syndicats révolutionnaires de Turquie) qui appelait à manifester. “C’est une répression inacceptable contre les travailleurs”, a déclaré Gürsel Tekin, vice-président.
A Diyarbakir : message d’Öcalan aux travailleurs
Un imposant défilé, auquel ont participé des membres de la délégation des Amitiés kurdes de Bretagne, s’est formé à Diyarbakir pour célébrer dans le calme et la dignité la fête des travailleurs. Aucun incident n’a été déploré. Le fait marquant a été la lecture d’un message d’Abdullah Öcalan, le leader kurde emprisonné devenu le principal interlocuteur du gouvernement turc pour les négociations en cours, s’adressant aux travailleurs du monde entier. Dans ce message, porté également par les militants kurdes dans différentes villes, dont Rennes, au cours des rassemblements du 1er mai, Abdullah Öcalan s’adresse à tous les peuples du monde “pour qu’ils puissent vivre dans la paix et dans l’honneur” :
Le système capitaliste a toujours visé à abattre les porteurs d’espoir, alors que le peuple ne peut trouver ailleurs des motifs d’espoir. Notre peuple en résistance a depuis longtemps porté l’espoir au-delà de ses frontières et s’est trouvé uni dans la lutte avec les résistants du Mexique comme avec ceux du Caire. Les expériences d’hier et celles d’aujourd’hui nous ont appris à nous, les chantres et les acteurs de la résistance, que les forces étatiques et élitistes sont minoritaires, et qu’on peut exiger d’elles qu’une paix honorable soit garantie à tous les peuples du monde. […] Si mes conditions de vie ne me permettent pas d’être parmi vous aujourd’hui, ce n’est pas parce que mon combat de Kurde est différent du vôtre. Bien au contraire. Plus que jamais, c’est le signal d’une mobilisation générale obligatoire de tous les travailleurs et de tous les mouvements politiques défendant les droits des travailleurs du monde entier. C’est le moyen le plus honorable pour en finir avec le capitalisme, les États-nations et les génocides. Le combat pour l’égalité hommes-femmes, pour de meilleures conditions de travail, pour la lutte contre le chômage et en faveur des peuples migrants, toutes ces revendications nous montrent que notre route est encore bien longue.
André Métayer