Sebahat Tuncel, co-présidente du Parti démocratique des Régions (DBP), détenue depuis novembre 2016 dans la prison de type F de Kocaeli, s’est vue infliger une sanction disciplinaire pour une durée de dix mois, au motif de sa participation à la grève de la faim déclenchée à l’initiative de Leyla Güven pour dénoncer le régime carcéral dont est victime Abdullah Öcalan : le leader kurde, incarcéré depuis près de vingt ans, est coupé de tous liens extérieurs, depuis 2016. Ses avocats avaient déjà été interdits de visite depuis avril 2011 et la dernière visite autorisée de sa famille remonte à septembre 2016, ce en violation de la Convention des Nations-Unies contre la torture. Mais le président Erdoğan, qui s’estime au-dessus des lois, n’en a cure.
La sanction disciplinaire qui frappe Sebahat Tuncel est lourde : tout contact, toutes activités communes, mêmes sportives, déjà strictement limités, lui seront interdits. Le régime dans une prison de type F est déjà basé sur l’isolement du détenu : la sanction disciplinaire, les détenus lui ont donné un nom : la “mise au tombeau”.
Sebahat Tuncel, née en 1975, est connue pour avoir été élue députée en 2007 – la plus jeune députée du Parlement de Turquie – alors qu’elle était incarcérée à la prison d’Istanbul au motif qu’elle aurait tenu des propos subversifs en tant que porte-parole des femmes du DPT (parti kurde). C’est à elle, en tant que chargée des relations internationales au sein du DTP, que revint l’honneur d’exposer la question kurde lors du 23° congrès de l’Internationale Socialiste à Athènes en juillet 2008. Elle est venue à Rennes le 19 juin 2009, à l’invitation des Kurdes de Rennes.
Ceux et celles qui ont eu la chance de la rencontrer ont pu constater qu’elle n’a rien perdu de sa fougue militante de ses années estudiantines : kurde, alévie, féministe, socialiste, elle s’est lancée dans la politique à partir de 1998 en s’engageant au sein de la commission des femmes du parti pro-kurde. Régulièrement invitée en France et dans différents pays européens, elle était présente à la fête de l’Humanité de 2012. Elle s’est encore signalée en 2012 en dénonçant les violences sexuelles sur mineurs dans la prison turque d’Adana.
Comme Leyla Zana, Leyla Güven, Gültan Kışanak, Besime Konca, Selma Irmak, Gülcihan Şimşek et bien d’autres encore que nous avons rencontrées, à Diyarbakir, Van, Istanbul, Bruxelles, Paris et aussi à Rennes, comme toutes celles qui ont payé de leur vie leur engagement, Sebahat Tuncel continue le combat sans faiblir :
les autorités pénitentiaires devraient savoir que la politique de punition ne produit pas de résultats, mais au contraire, elle accroît encore plus notre colère et notre détermination et devraient comprendre que nous n’abandonnerons jamais.
André Métayer