Hommage à Arlette Oster, une fidèle parmi les fidèles ami·e·s des Kurdes

Chère Arlette Oster,

Nous sommes reconnaissants et fiers de vous avoir à nos côtés dans notre lutte pour la libération du peuple kurde. Nous sommes très honorés de votre solidarité et souhaitons exprimer toute notre gratitude. Ensemble jusqu’à la victoire.

Au nom du peuple kurde, le Conseil démocratique kurde en France.

C’est en ces termes que les Kurdes avaient tenu à honorer Arlette en lui remettant, le 18 mars 2015 – ainsi qu’à Yves-Jean Gallas (Mouvement de la Paix), Renée Le Mignot (MRAP), Sylvie Jan (Solidarité France-Kurdistan), Joël Dutto (Solidarité et Liberté, Marseille) et à moi-même – une plaque commémorative sur laquelle figurent les noms de Sakine, Rojbîn et Leyla, lâchement assassinées sur le sol français.

Arlette a succombé le 12 septembre vers 21 h à une crise cardiaque foudroyante. Elle aurait eu 84 ans en novembre prochain. Sa disparition a fait l’effet d’une onde de choc, notamment chez ses amis du Secours populaire français et chez ceux de la Coordination nationale Solidarité Kurdistan.

Arlette, militante infatigable du Secours populaire, présidente du Comité de Sainte-Geneviève-des-Bois, fut une des premières adhérentes des Amitiés kurdes de Bretagne au temps où cette association s’appelait encore Délégation rennaise Kurdistan et participa à la création de notre antenne parisienne. Sa fidèle générosité n’avait d’égale que sa discrétion. Avec Arlette, nous avons souvent évoqué ceux et celles qui ont été parmi les premiers à soutenir la cause kurde en France et qui nous ont quittés (Jean Pierre Lachaize et sœur Marie-France de la Cimade de Lyon, Josette Hamon de France-Kurdistan de Saint-Brieuc) et conté nos aventures et mésaventures des premières missions, celles des années 94/95 et les suivantes.

Une grande dame, généreuse et discrète

“Encore une pionnière qui s’en va, écrit Marie-Brigitte, nous évoquions son action dernièrement, au cours de notre Université d’été à Douarnenez.”

“J’avais eu la chance de la connaître au cours d’une mission, en 2010, et j’avais été impressionnée par ses connaissances de l’histoire des Kurdes, son engagement pour la cause kurde tant en France que là-bas, par l’attention portée auprès d’une association féminine de Diyarbakir et son investissement total au sein du Secours populaire.” (Marie-Pascale)

“C’est avec beaucoup de chagrin que j’ai appris qu’Arlette nous avait quittés. Je la savais fatiguée et suggéré d’en faire moins, mais pour elle c’était inenvisageable. Elle me disait aussi qu’elle avait une grande envie de retourner au Kurdistan.” (Josette)

“Je l’avais connue lors des dernières missions des AKB et, avec Josette, nous avions partagé la même chambre. Nous avions toujours de longues conversations avant de dormir comme des collégiennes. Elle emportait toujours de grands sacs d’habits, de jouets, de matériel scolaire pour les enfants kurdes, on se partageait le port de ces lourds sacs. J’étais allée la voir chez elle, au SP où elle se donnait à fond. Une femme bénévole… sans compter.” (Anne-Marie)

“Arlette a été de presque toutes les délégations des AKB. Elle traversait les péripéties inhérentes aux voyages en zone de guerre, parfois rocambolesques, souvent dangereuses, avec sérénité, dignité et humour. Elle détestait la bêtise de la soldatesque et je garde tout particulièrement en mémoire ces moments où, quand l’indécision d’un chef de poste turc – plus obtus encore que ses congénères – nous faisait perdre un temps précieux, Arlette, qui n’élevait jamais la voix autrement, le traitait froidement d’imbécile, avec un regard d’acier. Le soudard finissait par plier… la détermination calme d’Arlette nous a aidé à franchir bien des check-points et à rester sereins dans les situations difficiles.” (R.)

“Nous avons voyagé ensemble au Kurdistan en 2009 : ma première délégation avec les AKB et depuis nous sommes restés en contact. Arlette (avec le Secours Pop) a été un soutien précieux et sans faille pour nos aventures photographiques avec les AKB, à Diyarbakir, d’abord à Ben û Sen, puis à Shengal Camp (Fidanlik). C’est grâce à son aide que ces différents ateliers ont pu avoir lieu dans des conditions matérielles satisfaisantes. Ces dernières semaines nous étions en train d’étudier la possibilité de soutenir un nouveau projet en faveur des femmes, cette fois-ci avec la mairie de Kobanê, au Rojava. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui, sans le savoir, car elle ne se mettait jamais en avant, ont perdu une amie.” (François)

“J’ai découvert le Kurdistan en sa compagnie et tout de suite nous avons formé un quatuor amical avec Anne-Marie et Josette. Je n’oublierai jamais ses récits au Kurdistan en compagnie de sœur Marie-France. Arlette, nous continuerons ton action au côté du peuple kurde et de ceux qui se battent pour un monde meilleur.” (Thierry)

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Message de Kadir

Françoise nous révèle qu’Arlette demandait souvent des nouvelles de Kadir, le “Kurde breton”, détenu politique que nous avons soutenu tout au long de ses 8 années de prison. Elle nous transmet, très émue, le message de Kadir :

j’ai reçu ton mail il y a quelques heures. Je suis totalement détruit. Il me fallait du temps. J’ai eu du mal à croire et à accepter cette nouvelle. J’ai ré-ouvert ma valise que j’avais amenée avec moi de prison et que j’avais déposée dans une chambre. Je n’avais jamais touché à cette valise depuis ma libération. Pour la première fois je l’ai touchée et j’ai relu les lettres d’Arlette… Le pire c’est qu’à cause des problèmes quotidiens, qui paraissent énormes alors qu’en vérité ce sont des simples choses, je n’ai pas demandé assez de ses nouvelles. Après ma libération, je lui ai parlé plusieurs fois, c’est tout. C’est le pire pour moi. Je n’arrive pas à y croire !

Nous adressons toutes nos condoléances à Jean Pierre, son mari, et à ses proches.

André Métayer