Ne pouvant plus m’adresser à toi, Mickaël, j’ai choisi de raconter comment ta robe d’avocat s’est transformée en habit de lumière. Pour ces damnés de la terre France que l’on appelle “sans-papiers”, mais aussi pour quelques militants et militantes dont je fais partie. Entre nous, tout a commencé en 2001.
C’est Xavier Dunezat, du Collectif d’aide aux sans-papiers qui relate avec émotion l’histoire singulière entre “l’avocat, le journaliste et le militant” où Mickaël apparaît comme un avocat militant “acharné” et de conclure :
l’avocat n’est plus là. J’espère que le journaliste et le militant sauront faire vivre ton acharnement.
C’est au cours d’une rencontre à la Maison internationale de Rennes (MIR) qu’amis, avocats, responsables associatifs ont rendu à Me Mickaël Goubin, décédé brusquement à 41 ans, un vibrant hommage. Ils l’ont fait simplement dans un lieu qui lui était familier, au milieu de ceux qu’il avait côtoyés, en tant qu’avocat, mais aussi comme militant “du droit de l’entrée et du séjour des étrangers en France, du droit d’asile, du droit de la nationalité”(Ouest-France du 01/08/12).
Les témoignages forcent le respect :
là où la loi du plus fort l’emporte souvent, il défendait la loi du plus faible. Nous devons désormais faire vivre son souvenir, pour tout ce qu’il nous a apporté
(Me François Brien).
Au-delà des combats communs que nous avons menés pour les réfugiés dans les enceintes judiciaires, notamment à la Cour nationale du Droit d’Asile, nous avons partagé lors d’un voyage commun au Kurdistan des moments forts dans lesquels j’ai pu apprécier la sincérité de son engagement et la force de ses convictions.
(Me Jean-Louis Malterre).
Engagement total et désintéressé
Selon Carole Bohanne (MRAP),
son engagement était toujours total et désintéressé. Il était en tête de cortège lors de la 1ère manifestation à Montfort, lors de l’arrestation des 23 travailleurs maliens et j’avais été très impressionnée par son engagement militant en tant qu’avocat
et de conter comment il s’était battu pour obtenir non seulement la libération d’une femme moldave placée au centre de rétention de Rennes avec son bébé d’un mois, mais aussi pour obtenir un logement pour la nuit.
Michel Tanneau (Ouest-France), dans son article du mois d’août, avait souligné son désintéressement :
sa générosité était telle qu’il avait du mal à présenter une facture à un client démuni.
Chantal Etourneaud (Amitiés Kurdes de Bretagne) confirme son engagement total :
Mickaël avait tenu à participer à l’une des missions d’AKB au Kurdistan de Turquie. Tout jeune avocat, Mickaël avait plaidé devant le tribunal administratif en faveur de plusieurs Kurdes et voulait saisir le contexte politique et culturel en Turquie vis à vis des minorités. il voulait comprendre en profondeur les raisons qui amenaient autant de Kurdes à quitter leur pays et à s’exiler. Ce sont ces motivations qui l’ont rapproché de notre association dont il fut adhérent. Lors de cette semaine à Diyarbakir, à Batman et autres lieux où nous nous sommes rendus, Mickaël n’a cessé d’observer, d’écouter, d’interroger. De vivre aussi des moments intenses, quelquefois poignants.
Yves Tréguier :
il a toujours été à nos côtés. Au nom de la Ligue des Droits de l’Homme, à laquelle il nous avait fait l’honneur d’adhérer, c’est par ces mots que je voulais commencer. Au Tribunal administratif, on le voyait arriver, toujours pressé, dossiers sous le bras. La tension était forte. Des familles dans le désarroi, les policiers, menottes à la ceinture, le fourgon bloquant l’entrée. Ses prises de parole argumentées, sa force de conviction arrachaient des décisions inespérées. La passion qu’il mettait à défendre les faibles, sa force de conviction, mais, plus que tout, c’est sa présence au milieu de nous, depuis trois mois déjà, qui nous manque.
Mickael, un homme de combat
Son engagement était aussi syndical, comme en témoigne Me Catherine Glon :
Mickaël a intégré le Syndicat des Avocats de France dès son arrivée dans notre profession. Porter en tous lieux et en tout temps les valeurs auxquelles il croyait était essentiel pour lui. Mickael était un magnifique avocat, unanimement respecté de ses confrères et des magistrats. Tous savaient reconnaitre sa compétence, sa passion et son engagement sans limites, souvent au de la de ses forces. Il est un exemple, il est notre ami.
C’est avec beaucoup d’émotion de nous avons aussi écouté le témoignage fraternel de Me Brouillet :
Mickael, un homme de combat toujours animé par ses convictions, porté par ses certitudes sur ce qu’il fallait faire pour les autres, les justiciables, les étrangers sans papier, ses clients, ses amis. Il avait le combat judiciaire cheville au corps et à l’esprit Mickael, tu étais toujours disponible pour les confidences, les échanges et une bonne bière. Pour tout cela je voulais te dire merci. Mais L’aptitude au bonheur t’a manqué. Tu n’as pas su ou voulu nous dire ton mal-être. Nous n’avons pas vu ton trouble, nous n’avons pas pris la mesure de ton désarroi et de ta solitude. Tu as perdu ce repère et tu as pris la décision de nous quitter violemment. Mickael nous manque, nous avons perdu un confrère, nous avons perdu un ami. Mickael, Tu as réussi ton combat pour les autres, les plus faibles, les plus démunis et tu as nous a montre la voie et je t’en remercie. Mais tu as cessé de te battre pour toi et je t’en veux.
La Ville de Rennes s’associe à l’hommage rendu à Mickaël Goubin
Avec Roselyne Lefrançois, adjointe au Maire et Christine Delacôte, conseillère municipale, la Ville de Rennes s’est associée à l’hommage rendu à Mickaël Goubin dans le cadre de la Semaine de la Solidarité Internationale :
se souvenir de lui, dit Roselyne Lefrançois, c’est partager la réflexion du vivre ensemble, au nom des valeurs de liberté, de fraternité et de solidarité qui sont les nôtres. Avocat infatigable des Droits de l’Homme, pétri de justice, il nous a tracé le chemin. Continuer son combat est notre devoir.
Marie Thérèse Chevance, Vice-présidente de la MIR, s’est associée à cet hommage rendu par tous, avocats, élus politiques, militants associatifs, en soulignant le caractère hautement symbolique de cette rencontre se situant au cœur des activités de la Maison internationale, en prélude à une vidéo conférence avec une jeune association marocaine sur le thème des migrations.
Marie-Anne Chapdelaine, députée retenue à Paris, Isabelle Gouriou (COALIA, ex AFTAM), Me Marie-Line Bourges-Bonnat, Georges Avignon, empêchés, avaient tenu à se faire excuser.
André Métayer