Kobanê : la résistance acharnée des Kurdes contrarie les plans d’Erdoğan

Les combats font rage à Kobanê. Les YPG (Unités de Protection du Peuple) mènent une résistance acharnée. Kobanê est devenue le théâtre d’une guérilla urbaine. La résistance des Kurdes contrarie-t-elle les plans d’Erdoğan ? Oui, mais pour combien de temps ? L’envoyé spécial des Nations unies en Syrie, Staffan de Mistura, a lancé un appel depuis Genève et rappelé la communauté internationale à son devoir : elle doit réagir, elle ne peut tolérer que Kobanê ne tombe aux mains du prétendu « Etat islamique » (EI). Tous les Kurdes sont mobilisés. Certains rejoignent les forces combattantes, d’autres occupent le terrain politique et médiatique dans les quatre parties du Kurdistan mais aussi en Europe avec ceux de la diaspora. Un véritable soulèvement est en train de sa produire au Kurdistan nord (Turquie) et dans les grandes villes turques. Un couvre-feu a été décrété.

Turquie

Les Kurdes, à l’appel du BDP, manifestent leur soutien à Kobanê un peu partout en Turquie. Les manifestations dégénèrent en émeutes : déjà on déplore au moins 18 morts, la plupart tués par balles et de nombreux blessés à Diyarbakir, Van, Varto, Batman, Siirt… Ce bilan déjà lourd n’est malheureusement que provisoire. Des affrontements violents sont signalés autour des locaux du MHP et du HDP à Ankara. Les forces de l’ordre sont intervenues massivement avec des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour disperser des milliers de protestataires dans les districts stambouliotes de Gazi, Sarigazi, Kadiköy et Beyoğlu. De violents incidents ont également été rapportés à Antalya, Mersin et Adana où les manifestants ont détruit de nombreux bâtiments et véhicules. Plusieurs villes sont placées sous couvre-feu (Diyarbakir, Batman, Mardin, Muş, Van et Siirt). La compagnie nationale Turkish Airlines a annulé jusqu’à nouvel ordre tous ses vols vers Diyarbakir.

Allemagne

Des violences ont opposé dans la nuit de mardi à mercredi des membres des communautés kurde et yezidi à des militants islamistes, faisant au moins 23 blessés, à Hambourg et Celle.

Bruxelles

Plusieurs dizaines de manifestants kurdes ont fait irruption mardi au Parlement européen à Bruxelles pour attirer l’attention sur l’avancée de l’EI sur Kobanê.

Paris

Appel à manifester samedi 11 octobre à 15h, de la Place de la République à la Place de la Bastille. Cette nouvelle manifestation est prévue après celles qui se sont déroulées au métro Invalides, aux abords de l’Elysée et devant l’Assemblée nationale pour protester contre “l’inaction de la communauté internationale” face à la situation à Kobanê.

Strasbourg

Munis de drapeaux et de pancartes, les Kurdes d’Alsace se sont rassemblés devant le siège de France 3 Alsace et ont scandé des slogans de soutien à Kobanê. Ils ont également accusé les autorités d’Ankara de tirer sur la population civile qui tente de rejoindre Kobanê pour combattre l’EI aux côtés des Kurdes, et d’apporter une aide logistique et militaire à l’EI.

Marseille

Les Kurdes, par milliers, ont manifesté dans les rues de Marseille à quatre reprises, en signe de soutien à Kobanê.15 interpellations ont eu lieu après des incidents près du consulat de Turquie. Une conférence de presse se tiendra le jeudi 9 octobre à 11h à la Maison des Droits de l’Homme et un appel à manifester a été lancé pour le samedi 11 octobre à 16h30 sur la Canebière.

Toulouse

Sur les banderoles on pouvait lire: “Daesh avance. Europe réveille-toi!” ou “Ne soyez pas silencieux contre les massacres”. Des heurts ont éclaté quand les manifestants qui souhaitont voulu se rendre à la préfecture. Le directeur de cabinet du préfet a quand même reçu une délégation.

Nice

Une manifestation a rassemblé une centaine de personnes.

Bordeaux

Une manifestation a rassemblé 300 personnes. Deux personnes ont été placées en garde à vue après une tentative de blocage du pont autoroutier d’Aquitaine. L’aéroport de Bordeaux-Mérignac a été également occupé un court instant.

Vannes

Une délégation kurde a été reçue par une représentante de la préfecture du Morbihan, à qui a été remis un dossier à l’attention du Ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, ancien maire de Lorient, ancien député du Morbihan et ancien président du Conseil régional de Bretagne. Les manifestants ont également envahi le hall de la gare et sont descendus sur les voies.

Rennes

Une centaine de manifestants a envahi les quais de la gare de Rennes le 7 octobre pour protester contre les exactions des djihadistes en Syrie et réclamer l’aide de la France. La directrice de cabinet du Préfet de région s’est rendue sur place pour négocier le départ des manifestants. Ils ont quitté les voies et ont rejoint le hall. Après une vingtaine de minutes de négociations, la manifestation s’est dispersée dans le calme. “C’est un rassemblement sous le coup de l’émotion, a expliqué la représentante du Préfet. Nous avons écouté leurs revendications et nous les ferons remonter jusqu’au gouvernement”. Les Kurdes ont demandé qu’une aide militaire soit directement envoyée aux combattants de Kobanê, que l’attitude de la Turquie soit condamnée et que le PKK soit retiré de la liste des organisations terroristes. La SNCF a décidé de son côté de porter plainte. La manifestation du 8 octobre a été plus mouvementée devant le siège de France 3, dans un premier temps repoussée rudement à coups de matraque et de jets de gaz lacrymogènes, faisant plusieurs blessés. Dans un deuxième temps, le dialogue a pu se nouer et un représentant de France 3 a annoncé, sous les applaudissements des manifestants, que la chaine fera son travail d’information et qu’elle invitera une délégation à venir en direct expliquer les raisons de la mobilisation en faveur de Kobanê.

KNK

Le Congrès national du Kurdistan lance un nouvel appel à agir pour éviter un grand massacre à Kobanê. Enver Muslim, Président du canton de Kobanê, alerte une nouvelle fois les puissances internationales sur cette menace et avertit : en cas de massacres, les puissances internationales seraient tenues pour responsables.

MRAP

Dans un communiqué, le MRAP exprime son émotion et sa plus vive inquiétude après l’entrée des djihadistes dans la ville de Kobanê. Il redoute que les massacres et atrocités commis par l’EI à Mossoul, à Sinjâr, au Kurdistan irakien ne se reproduisent à Kobanê. Il note que les Kurdes sont les principaux remparts contre le djihadisme et que le PKK figure toujours sur la liste des organisations terroristes alors qu’il se trouve en première ligne pour défendre les Droits de l’Homme face aux djihadistes de l’EI.

Le MRAP demande au gouvernement français de :

  • répondre favorablement aux demandes d’aide formulées par les Kurdes et de retirer le PKK de la liste des organisations terroristes ;
  • sanctionner les Etats complices de l’EI, dont la Turquie ;
  • exiger une aide humanitaire aux réfugiés, y compris en Turquie ;
  • traiter les principales organisations du mouvement kurde, en Turquie comme en Syrie, sinon en alliés, du moins en partenaires indispensables à la construction d’une issue politique durable à l’actuelle déstabilisation dramatique du Proche-Orient.

Maison internationale de Rennes (MIR)

Au nom de la MIR, la présidente Ghania Boucekkine a exprimé son soutien aux Kurdes de Bretagne devant la tragédie qui frappe leurs compatriotes au Kurdistan syrien et notamment dans la région de Kobanê :

l’aubaine est trop belle pour la Turquie de décimer le peuple kurde dans un contexte “légal” de lutte contre l’Etat islamique, contre les hordes islamistes qu’elle a largement soutenues. Nous connaissons l’objectif poursuivi par la Turquie et nous ne saurons admettre que la France fasse fausse route en lui apportant son soutien. C’est pourquoi nous demandons que la France soutienne les populations kurdes et œuvre pour un règlement politique du conflit dans lequel le leader kurde Ocalan a un rôle de premier plan à jouer.

André Métayer