Selahattin Demirtas, co-président du principal parti légal kurde (BDP), a fait une importante déclaration le 25 août dernier à Diyarbakir, devant la presse :
pour la première fois depuis le début de l’insurrection kurde, une vaste zone qui s’étend sur 300 à 400 km est sous contrôle du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, dans la région de Hakkari : depuis le 23 juillet, autour de Semdinli et depuis le 4 août, autour de Cukurça. La guérilla a pris aussi le contrôle d’une autre zone près de la ville d’Hakkari après avoir lancé le 16 août dernier un assaut d’envergure contre plusieurs positions militaires. L’armée turque ne peut leur fournir un support logistique que par voie aérienne. La question kurde ne sera pas résolue avec des tanks et des canons. Le gouvernement doit abandonner sa politique sécuritaire et lancer un processus de pourparlers.
Une vidéo largement diffusée montre une imposante délégation fraterniser avec des combattants du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More occupant des carrefours stratégiques près de la ville de Semdinli, composée de dirigeants du BDP – dont la co-présidente Gultan Kisanak – et de membres d’organisations de la société civile. Pour autant, la population civile vit dans la peur. Les arrestations, la fermeture des organes de presse, les bombardements, les combats créent un climat d’angoisse qu’un de nos correspondants nous décrit en quelques lignes :
l’AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More a nié la question kurde et mis en prison tous ses opposants politiques. Les affrontements sont directement la conséquence de cette impasse politique. La situation d’aujourd’hui est bien différente de celle que nous avons vécue jusqu’à présent : avant, il s’agissait d’affrontements selon les techniques de harcèlement de la guérilla. Cette fois-ci, c’est une véritable guerre de position qui dure, une guerre de tranchées. Les affrontements dans la région de Semdinli, par exemple, durent depuis un mois et s’étendent même au centre ville. Il en est de même ailleurs. Partout dans le monde, après chaque guerre, la paix finit par arriver. Ici, par contre, on ne voit pas d’issue et les gens de notre pays pensent que le sang va beaucoup couler.
La situation est révolutionnaire
Face à cette nouvelle situation, où des forces kurdes, politiques et armées, se rejoignent pour contrôler un territoire, l’État turc minimise la situation et la presse semble frappée de cécité. L’attentat de Gaziantep arrive à point nommé pour remplir les colonnes et détourner l’attention. Faut-il rappeler ici que les patrons de presse ont été mis au pas, que 98 journalistes, correspondants, écrivains et employés de journaux sont actuellement détenus en Turquie et qu’un procès s’ouvrira le 10 septembre pour juger une quarantaine d’entre eux? Pour Murat Karayilan, président du Conseil Exécutif du KCKUnion des Communautés du Kurdistan (Koma Civakên Kurdistan), fédération des organisations kurdes en Turquie. More, la situation actuelle est “révolutionnaire” :
l’Etat turc et la presse turque persistent à nier la réalité. Les informations qu’ils divulguent sont anecdotiques alors que la situation est une situation de guerre, celle d’une lutte pour la conquête d’un territoire. Durant toute l’opération militaire de Semdinli, cinq de nos camarades sont tombés martyrs et trois ont été blessés. Quant à l’armée turque, ses pertes se comptent par dizaines. Le HPGForce de défense du peuple (Hêzên Parastina Gel), branche armée du PKK. More dresse tous les jours le bilan à l’attention de l’opinion publique, mais l’Etat turc se garde bien d’en faire autant. Les médias aux mains de l’AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More masquent toute la réalité de la situation.
Une dépêche de l’AFP du 23 août fait état d’affrontements dans la région de Semdinli, faisant 5 tués chez les soldats turcs et 16 chez “les rebelles kurdes”. Murat Karayilan explique par ailleurs que l’armée turque dissimule ses pertes en ne comptabilisant pas celles subies par les unités spéciales, les plus nombreuses, considérées comme hors effectifs de l’armée régulière.
André Métayer