La semaine revendicative (20 – 25 septembre 2010) lancée par TZP-Kurdî (Mouvement pour la langue kurde et pour l’éducation), appelant toutes les familles kurdes à ne pas envoyer leurs enfants à l’école, a été un succès dans la plupart des écoles de villes comme Diyarbakir, Van, Urfa, Hakkari, Agri, Mûş, Idir, Bitlis et Kars ; à Diyarbakir, à Semdinli, ou encore Yuksekova, le boycott fut accompagné de manifestations formant de longs cortèges dans lesquels des enseignants se joignirent aux élèves et à leurs parents ; on pouvait lire sur les banderoles et autres pancartes, “Zimanê Kurdî zimanê me ye” (notre langue est le kurde). “Em zimanê xwe dixwazin” (nous voulons parler notre langue), “Bê ziman jiyan nabe” (pas de langue, pas de vie).
La revendication identitaire continue avec la tenue du procès des “151” qui s’est ouvert le 18 octobre et dont la fin des débats est prévue pour la fin du mois.
Le ton a été donné dès le premier jour avec l’appel des inculpés qui ont utilisé leur langue maternelle, le kurde, pour répondre “présent” chacun à leur tour à l’appel de leur nom ; mais le tribunal a maintenu le refus d’utiliser une autre langue que le turc. Ces derniers jours, le micro a été coupé à l’avocat Bayram Altun qui déclinait son identité en kurde lors de la vérification des mandats, au motif, selon le juge, qu’il s’était exprimé dans “une langue inconnue”.
Cet incident a déclenché l’ire de Me Ramazan Morkoç :
Vous ne pouvez dire que la langue kurde est une langue inconnue ; vous insultez notre langue, notre culture, notre peuple.
La réponse du juge ne s’est pas fait attendre et l’avocat a été promptement expulsé de la salle d’audience manu militari. Les autres avocats ont réagi vivement : exit les avocats !
Ces incidents ont lancé des dizaines de milliers de Kurdes dans les rues de Diyarbakir pour protester contre ce refus de reconnaître la langue kurde, avec à leur tête les députés Emine Ayna, Ozdal Ucer, Sabahat Tuncel et Nezir Karabas ainsi que des maires kurdes. Ozdal Ucer, Député de Van, s’en est pris vertement aux juges en les accusant d’être aux ordres du gouvernement :
C’est notre identité, c’est notre culture, c’est notre politique démocratique qui sont en accusation devant ce Tribunal. Si notre langue n’est pas reconnue, alors nous refuserons de reconnaître “leur” Cour, “leur” Procureur et “leur” juge.
Critiquant le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, pour avoir utilisé le slogan :”une nation, un État et une langue “, il a ajouté :
il eut été bon qu’Erdogan eût un peu de bon sens.
Emine Ayna, Députée de Mardin, a également pris la parole pour crier son indignation :
qualifier la langue kurde de “langue inconnue” est une insulte au peuple kurde et j’appelle tous les Kurdes à adresser une protestation à l’Etat turc.
La foule a ensuite repris sa marche à travers Diyarbakir en brandissant le portrait d’Abdullah Öcalan.
André Métayer