La Turquie post-référendum nettoyée à coup de décrets

Le 29 avril 2017, le gouvernement AKP d’Erdoğan a publié deux décrets (N° 689 et 690), aux termes desquels près de 4 000 fonctionnaires de différents secteurs ont été licenciés et 45 organisations de la société civile et 2 agences de presse démantelées. Avec ces décrets “post-référendum”, ce sont 24 décrets que le gouvernement a publiés depuis l’instauration de l’état d’urgence, qui a suivi le coup d’Etat avorté du 15 juillet 2016. Le nombre de personnes derrière les barreaux ou suspendues atteint les 148 000.

Parmi les fonctionnaires licenciés aux termes du décret N°689 se trouvent 484 universitaires, dont 66 signataires de la pétition “Académiciens pour la Paix” et 98 membres du personnel administratif de 63 établissements d’enseignement supérieur. Le cas des “Académiciens de la Paix” est très connu : pour avoir fait circuler une pétition protestant contre les opérations militaires visant des localités kurdes et appelant l’Etat à reprendre les négociations pour une résolution pacifique de la question kurde, ces “Académiciens de la Paix” ont été la cible d’une campagne acharnée de dénigrement et de persécution. Nombreux ont été licenciés au motif d’accusations infondées de “terrorisme”. La répression a monté d’un cran avec le récent licenciement de 16 universitaires de haut rang de l’Université de Dicle à Diyarbakir. Le jour de leur licenciement, les forces de police, sur base du décret N°689, les ont arrêtés à leur domicile ou à leur bureau, et les ont conduits dans les locaux du procureur afin d’être entendus. Ils ont été libérés par la suite.

Nous avons souligné à plusieurs reprises que la politique générale du gouvernement AKP d’Erdoğan n’a pas d’autre objectif que d’empêcher quiconque qui critiquerait le gouvernement d’accéder au service public ou de participer à la vie civile. Le fait que le gouvernement n’ait jusqu’ici mis en place aucun mécanisme institutionnel afin d’enquêter, au cas par cas, sur la légalité du nettoyage général ou n’ait entrepris aucune démarche visant à réparer les injustices socio-économiques graves causées par ce nettoyage, confirme notre propos.

L’état d’urgence prolongé de trois mois supplémentaires, juste après le référendum présidentiel du 16 avril 2017, et les décrets gouvernementaux qui ont suivis, démontrent que le gouvernement AKP d’Erdoğan n’a pas l’intention de restaurer la primauté du droit dans un proche avenir.

Nous invitons à nouveau la communauté internationale à intervenir auprès du gouvernement turc pour qu’il arrête ce nettoyage général illégal et que, concernant les procédures mises en place avec l’état d’urgence, la Commission promise (cf. décret N°689) enquête, sans plus attendre, sur les plaintes déposées et trouve une solution aux réclamations.

4 mai 2017

Hişyar Özsoy
Vice Coprésident du HDP, responsable des Affaires étrangères
Député