A la reprise des travaux du Parlement turc, le 1er octobre dernier, le groupe parlementaire du parti pro-kurde BDP (Parti pour la Paix et la Démocratie) et autres partis réunis dans le Bloc a fait son entrée et prêté serment sans incident. Ce retour est salué par tous les observateurs comme un geste responsable d’hommes et de femmes qui ont été élus députés pour défendre dans les institutions les revendications de leurs électeurs. Le combat ne fait que commencer.
Mémorandum pour des opérations militaires transfrontalières
Déjà le 5 octobre ils ont eu à s’opposer seuls contre tous au renouvellement de l’autorisation donnée à l’armée turque de procéder à des raids contre “les repaires des rebelles kurdes en territoire irakien”. C’est à l’unanimité, comme le souligne Hasip Kaplan, député BDP de Sirnak, que les 30 députés du Bloc ont dit non au “mémorandum d’opération transfrontalière”. Cette motion gouvernementale, adoptée à main levée à une large majorité des parlementaires présents, permet de mener des raids aériens et des incursions au sol. Ce feu vert intervient alors que se précisent les menaces du gouvernement turc de lancer une vaste opération terrestre dans les monts Qandil. Hasip Kaplan n’a pas manqué, dans son intervention, de dénoncer l’intensification des interpellations et des mises en détention de militants et de cadres BDP, de maires et de directeurs de services centraux : “sous couvert de lutte contre le terrorisme, la police et les tribunaux, aux ordres du gouvernement AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More interviennent en tout illégalité. Le premier ministre ne connaît aucune limite, il interfère dans les procédures judiciaires, c’est un fait sans précédent”.
Le Parlement va débattre en priorité d’une nouvelle Constitution
La rédaction d’une nouvelle Constitution semble être le premier objectif que s’est fixé le Parlement. “C’est sans aucun doute l’une de ses principales tâches”, a indiqué le Président de la République, Abdullah Gül, lors de son traditionnel discours d’inauguration de la nouvelle législature. La réforme constitutionnelle devra être approuvée par référendum. Si un consensus existe pour modifier la constitution héritée du coup d’état militaire de 1980, on est loin d’un accord sur le fond : l’opposition parlementaire suspecte RT Erdogan de vouloir s’accaparer du pouvoir par le biais d’un régime présidentiel, sans parler de la question kurde qui sera au centre des discussions et qui va nourrir d’âpres débats. Une proposition forte du BDP est d’introduire la démocratie participative au cœur de la révision constitutionnelle et, dans sa rencontre programmée avec les représentants AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More du parti majoritaire islamo-conservateur le 10 octobre dernier, Ayla Akat Ata, députée BDP de Batman et Hamit Geylani, co-président du parti (photos), ont demandé la mise en place d’une “assemblée constituante”. Cette assemblée comprendrait des partis politiques ne siégeant pas au Parlement faute d’avoir franchi le seuil des 10% des voix aux élections législatives, des organisations de la société civile, des universitaires et des organismes commerciaux. Cette proposition a été immédiatement rejetée par l’AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More au motif que le Parlement jouit d’une autorité suffisante. Cette réponse fait douter de la volonté de trouver un consensus de la part d’un parti qui détient, grâce à un mode de scrutin qui l’avantage, près des 2/3 des sièges de cette “Grande Assemblée”.
André Métayer