Le conflit kurde tel qu’il se présente actuellement ainsi que les manifestations de l’opposition démocratique qui s’étendent depuis plus d’un mois sur l’ensemble du pays appellent à une transformation de la Turquie avec une réelle évolution démocratique. Idris Baluken, député de Bingöl, interpelle durement le Premier ministre turc RT Erdogan au nom du parti kurde BDP, dont il est vice-président du groupe parlementaire. Ce docteur en médecine, spécialiste des maladies pulmonaires et de la tuberculose, ne dissimule pas une impatience que l’attitude gouvernementale alimente au fur et à mesure que les jours passent : jusqu’à présent, la seule raison qui empêchait le changement et la transformation était la confrontation armée dans le conflit kurde non résolu. Aujourd’hui, ce point est dépassé. Nous sommes engagés dans un important processus qui ouvre la voie vers la démocratisation de la Turquie. La fin des principaux problèmes auxquels la Turquie est confrontée passe obligatoirement par la résolution démocratique du conflit kurde en Turquie, dans une perspective de démocratisation globale.
Les demandes du BDP sont précises et demandent une réponse immédiate
Retrait du TMK (les tristement célèbres lois de répression du terrorisme), réduction des longues périodes de détention, retrait des dispositions du Code Pénal Turc (TCK) restreignant la liberté de pensée et celle des organisations politiques, abaissement du seuil d’éligibilité, abolition des inégalités de traitement dans l’attribution des aides publiques, retrait des restrictions portant sur les manifestations démocratiques, liberté du choix de la langue dans les discours politiques, limitation du pouvoir policier, suppression des réserves accompagnant la signatures des traités internationaux concernant les droits des enfants, les droits de l’homme et les droits à la culture, reconnaissance officielle des Cemevi comme lieux de culte et de réunion des Alévis, adoption des autres amendements faisant parti du ‘package démocratique d’urgence’ présenté par le groupe parlementaire BDP.
Tous ces points, s’ils étaient adoptés, constitueraient des ouvertures politiques et contribueraient à la normalisation du climat politique. Si les observateurs peuvent constater que les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More) continuent, comme promis, à se retirer du territoire de la Turquie, force est de constater qu’aucun pas n’a été fait, en contrepartie, par le gouvernement turc.
C’est au tour d’Ankara de franchir l’étape suivante
Combien de temps encore l’organisation d’un pays peut-elle survivre, elle qui emprisonne ses élus, députés, maires, politiciens, journalistes et ses avocats ? Elle qui limite le droit d’expression, la liberté d’association? Elle qui interdit l’accès à toutes sortes de droits, qui musèle les canaux d’expression démocratique, qui installe un système électoral injuste et qui maintient des Cours de juridiction spéciale dotées du pouvoir d’emprisonner quiconque ose parler ? Comment une politique démocratique peut-elle voir le jour dans une telle structure ? Comment un climat de paix sociale et de sécurité pourrait-il s’établir ? Combien de temps encore l’AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More va-t-il pouvoir diriger de pays doté d’une constitution héritée d’un coup d’Etat, de lois prohibitionnistes et antidémocratiques, et d’institutions de tutelle désuètes ? martèle le porte parole du BDP exigeant du Premier ministre la révision le système actuel et l’adoption en urgence des réformes demandées. Et de conclure : maintenant que le bruit des armes s’est tu, c’est au tour de la politique de prendre la relève. C’est la tâche du Gouvernement. Ce processus ne doit être ni détourné ni reporté. Le Premier ministre ne peut continuer à gouverner avec des ” non”. Le peuple attend des réformes démocratiques, et non la construction de gendarmeries militaires. Maintenant, c’est le temps de l’action pas des mots. Le gouvernement doit faire connaître sa feuille de route.
André Métayer