Le Collectif VAN condamne l’exécution des trois militantes kurdes

Un crime politique odieux vient de se produire en plein Paris. Trois femmes, trois militantes kurdes, ont été assassinées dans les bureaux du Centre d’informations du Kurdistan, au 147 de la rue Lafayette, dans le 10e arrondissement de Paris. Il s’agit de Fidan Dogan, permanente du centre, de Sakine Cansız, l’une des fondatrices du PKK, et de Leyla Söylemez : toutes trois ont été exécutées sans doute en fin d’après-midi ce mercredi 9 janvier, dont deux d’une balle dans la nuque. Ce triple assassinat, qui vise des responsables kurdes parmi lesquelles des figures connues de la communauté, provoque l’indignation et soulève des interrogations.

Faut-il voir dans ce « contrat » la main des services secrets turcs ou de leurs alliés ?

Rien n’est à exclure mais cela semble peu probable, même si Ankara n’en est pas à une contradiction près et que la Turquie manie à merveille le double-langage. Rappelons que le quotidien Radikal a rapporté le mardi 8 janvier que les autorités turques et le leader du PKK, Abdullah Öcalan, condamné à la prison à vie, étaient parvenus à un accord-cadre sur les modalités de règlement d’un conflit qui a fait plus de 40.000 morts depuis 1984. A l’heure où s’amorcent des négociations entre le PKK et l’AKP, ce crime politique risquerait donc de mettre un coup d’arrêt à la normalisation des relations turco-kurdes à laquelle semble tenir Erdogan.

Interviewé au téléphone sur iTélé, Didier Billion, Directeur adjoint de l’Iris, déclare pour sa part : « On peut effectivement imaginer qu’il y ait une question politique mais alors à qui profiterait le crime ? Et quand on dit politique, il ne faut pas voir forcément que ces assassinats soient le produit et la main de l’Etat turc, on peut aussi imaginer qu’il y ait un règlement de compte au sein même de ce PKK, ce Parti des Travailleurs du Kurdistan, dont on sait que les vertus démocratiques ne sont pas la vertu principale ».

Que M. Billion vole au secours de l’Etat turc et mette en cause les victimes n’est pas pour nous étonner. Mais, tant qu’à évoquer des pistes, l’expert de l’Iris aurait pu en explorer d’autres, bien plus plausibles. S’il y a effectivement eu dans le passé des règlements de compte au sein du PKK, il est peu probable que des figures proches d’Abdullah Öcalan, comme c’était le cas de Sakine Cansız, soient visées.

Ne pourrait-on pas plutôt reconnaître dans cet acte insupportable l’œuvre de groupuscules ultra-nationalistes turcs qui agissent à l’ombre de ce que l’on appelle en Turquie, l’Etat profond, et qui sont farouchement opposés à une quelconque amélioration des relations kurdo-turques ? Leur discours, basé sur la haine de l’autre, cible tout particulièrement les Kurdes, les Arméniens et les Juifs.

Après les récents assassinats sordides de deux femmes âgées arméniennes en Turquie, dont l’une retrouvée avec une croix taillée sur la poitrine ; après l’exécution le 24 avril 2011 de Sevag Balikci, un jeune soldat arménien servant dans l’armée turque, tué par un appelé de son régiment le jour même de la commémoration du génocide arménien ; et 10 jours avant le triste anniversaire de l’assassinat politique du journaliste arménien Hrant Dink, exécuté de trois balles dans la tête le 19 janvier 2007 à Istanbul, le triple assassinat qui vient de frapper en plein Paris des femmes engagées pour la défense des droits du peuple kurde, est révélateur de la violence qui menace les minorités de Turquie, y compris dans les pays où elles se sont réfugiées.

Le Collectif VAN exprime sa consternation et sa solidarité avec le peuple kurde et ses amis kurdes de la Fédération des associations kurdes de France (Feyka), partenaires de ses actions de sensibilisation aux génocides et à leur négation. Tout en attendant les conclusions de l’enquête, notre association s’inquiète des dérives possibles que peut engendrer la réactivation, par le gouvernement Ayrault, du projet de loi sur la coopération policière franco-turque. En rappelant la manière dont la France apportait son aide à la police de Ben Ali, cette loi entérinerait un accord initié par Claude Guéant sous l’ère Sarkozy et donnerait un bien mauvais signal à Ankara.

La police et la justice françaises, qui font preuve d’une coupable mansuétude envers les groupes fascistes turcs, se sont par contre récemment acharnées sur des communistes du DHKP-C : quinze sympathisants de cette organisation viennent d’être condamnés à des peines qui vont de 18 mois à 7 ans de prison ferme. Les militants kurdes sont également sous haute surveillance. Cela aura au moins l’avantage d’accélérer l’enquête, puisque le Centre d’informations du Kurdistan était nécessairement dans le collimateur des Renseignements Généraux.

Que l’implication de la mouvance des Loups-Gris – gang islamo-nationaliste du MHP qui sévit aussi en France – soit avérée ou non dans l’assassinat de Fidan Dogan, Sakine Cansız, et Leyla Söylemez – souhaitons que les milieux militaro-mafieux susceptibles de tuer des militants en lutte contre la néo-dictature turque, soient pourchassés et mis hors d’état de nuire sur le territoire de la République.

Le Collectif VAN réaffirme son entière solidarité avec le peuple kurde et s’associe à la manifestation* qui aura lieu ce samedi 12 janvier 2013, place de la Bastille à partir de 12h.

*Info Institut kurde de Paris

Séta Papazian

Présidente

Collectif VAN [Vigilance Arménienne contre le Négationnisme]
BP 20083, 92133 Issy-les-Moulineaux – France
Boîte vocale : +33 1 77 62 70 77 – Email: contact@collectifvan.org