Le Bureau du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe (CPLRE), dans sa séance du 20 octobre 2011, a entendu le rapport présenté par la délégation du Congrès qui a, après plusieurs refus, pu enfin visiter, le 6 octobre 2011, Mme Leyla Güven, Maire de Viransehir et membre du Congrès, incarcérée depuis le 24 décembre 2009 dans une prison de type E de Diyarbakir.
Il a réitéré sa position sur le fait que la détention prolongée d’un grand nombre de maires et de conseillers municipaux, empêchés de ce fait de remplir leur mandat, affaiblit la démocratie locale.
Le Bureau du CPLRE a appelé plusieurs instances du Conseil de l’Europe à se saisir de cette situation (Commissaire aux droits de l’homme, Commission de Venise, Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, et la propre Commission de suivi du Congrès) : “il est alarmant que les sièges des élus locaux demeurent vacants pendant une aussi longue période. Ce n’est pas dans l’esprit de la Charte européenne de l’autonomie locale, ratifiée par la Turquie”.
Une longue bataille
Le rapport de la délégation du Congrès avait suscité, lors de la session de mars 2011, de vives réactions de la part de la délégation turque qui s’était battue pied à pied, allant jusqu’à mettre en cause l’impartialité des rapporteurs alors qu’ils rendaient compte de leur mission en Turquie et qu’ils regrettaient de n’avoir pas été autorisés à rendre visite à Leyla Güven malgré plusieurs demandes.
Le but de la délégation turque était d’introduire des amendements visant à dénaturer le rapport : les effets traumatisants imputables à l’organisation terroriste constitueraient pour le gouvernement turc un obstacle majeur l’empêchant de prendre des mesures en faveur de la démocratie locale. Notons aussi ses interventions vigoureuses contre la pluralité des langues dans l’administration locale.
Hormis un membre de la délégation de la Fédération de Russie ( Valery Kadokhov), tous les autres membres du CPLRE ont soutenu les rapporteurs et se sont opposés aux amendements présentés par la délégation turque ; on notera la position des français : celle de M. Jean -Louis Testud (UMP, adjoint au maire de Suresnes) : “on ne peut accepter que 1500 élus aient été mis en prison au motif qu’ils entretiendraient des relations avec le PKK”, rappelant au passage qu’il défend l’adhésion de la Turquie à l’U.E. “même contre mon propre parti politique en France”, et celle de Mme Andrée Buchmann (Les Verts, Conseillère régionale d’Alsace) exprimant sa vive préoccupation de savoir Leyla Güven toujours emprisonnée et l’assurant de toute sa solidarité : “il n’est pas acceptable que des élus soient incarcérés sans procès. Ils doivent être tous libérés”.
Les recommandations du CPLRE
Les “recommandations” que le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe avait dressées à la Turquie, lors de cette 20° séance, portaient déjà sur :
– la non prise en compte des principes de la Charte européenne de l’autonomie locale.
– la manière dont la législation pénale et antiterroriste en vigueur est appliquée, provoquant un effet destructeur et disproportionné sur le fonctionnement de la démocratie territoriale en Turquie et sur les droits fondamentaux des élus locaux et régionaux.
– l’interdiction pour les conseils municipaux d’utiliser d’autres langues que le turc dans la prestation des services publics.
– la dépendance totale des communes vis-à-vis de l’Etat en matière financière.
– la remise en cause de l’autonomie de la gestion des régions en mettant les administrations territoriales sous la tutelle du gouverneur (préfet) nommé par le gouvernement central.
– l’obligation pour les communes d’être membres de l’Union nationale des communes turques.
André Métayer