L’ensemble de la classe politique européenne a désapprouvé la décision de la Cour constitutionnelle de Turquie de dissoudre le parti pro-kurde DTP. Cette décision ne suscite, en revanche, aucune protestation de la part de la classe politique turque, à quelques nuances près. Le Congrès pour une Société démocratique (DTK), réuni d’urgence à Diyarbakir, a approuvé la décision des députés DTP de démissionner de leur mandat en signe de protestation. Le DTP, dissout, est remplacé par le Parti de la Paix et de la Démocratie (BDP).
Le “Congrès pour une Société démocratique” (DTK), une assemblée qui rassemble tous les élus issus des rangs du Parti pour une Société démocratique, le DTP, c’est-à-dire les 21 députés, les maires, les conseillers municipaux et provinciaux qui gèrent une dizaine de provinces et une centaine de communes, dont la ville métropolitaine de Diyarbakir, a approuvé, lors d’une réunion extraordinaire, la décision des députés de démissionner de leur mandat et de se mettre “à la disposition du peuple kurde”. Marginalisés dans une assemblée hostile, avec la suppression ipso facto de leur groupe parlementaire, ils se refusent en effet de servir de caution ou d’alibi à quiconque après la décision de la Cour constitutionnelle de dissoudre leur parti et d’interdire l’exercice de toutes responsabilités politiques à 37 des leurs, dont des personnalités particulièrement emblématiques comme le Président du parti, Ahmet Türk, ou Leyla Zana, la “bête noire” de la “Grande Assemblée de Turquie” (parlement turc).
Il est à noter, en effet, que la décision a été rapidement prise à l’unanimité par les onze juges de la Cour constitutionnelle dont le président, Hasim Kilic, est un proche du parti au pouvoir, et qu’elle n’a fait l’objet d’aucune désapprobation, à quelques nuances près, de la part de la classe politique turque.
Les élus et les militants kurdes, dont la combativité n’est en rien entamée, avaient depuis plusieurs mois anticipé la manœuvre et déposé les statuts d’une nouvelle formation politique : le Parti de la Paix et de la Démocratie (BDP) remplace le Parti pour une Société démocratique. Le DTP est dissout ? Le BDP est déjà en place.
Les réactions connues de la classe politique française et européennes sont quasi unanimes pour désapprouver la dissolution du DTP.
Commission européenne La Commission européenne désapprouve la décision de la Cour constitutionnelle tout en “regrettant que le DTP aitAntifascist Internationalist Tabur, brigade internationale opérant au Rojava. More refusé de façon continue à s’écarter de façon claire du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More et de condamner le terrorisme”.
Union européenne “La dissolution d’un parti politique est une mesure exceptionnelle qui doit être décidée avec précaution”, indique, pour sa part l’Union européenne, par la voix du porte-parole de la présidence suédoise qui se déclare “préoccupée” par la décision de la Turquie et qui l’appelle “à prendre des mesures constitutionnelles pour mettre sa législation sur les partis politiques en conformité avec les règles européennes”.
Commission de Venise Gianni Buquicchio, fondateur de la Commission de Venise (organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles) a exprimé une position ferme considérant que la décision de fermeture de la Cour constitutionnelle n’était pas acceptable.
Quai d’Orsay La France exprime son “attachement au pluralisme” et à “l’importance du débat démocratique dans un cadre parlementaire” a indiqué le Quai d’Orsay qui “appelle la Turquie à poursuivre l’ouverture démocratique”.
Parti Socialiste Européen “La décision de la Cour Constitutionnelle jette un véritable trouble, a déclaré Poul Nyrup Rasmussen, président de Parti Socialiste Européen (PES), et je crains que cette interdiction qui compromet la possibilité de trouver une issue politique à la question kurde, déclenche des violentes réactions de la part de ceux qui militent en faveur des Kurdes. La Turquie, en interdisant ce parti d’opposition, opère un retour en arrière dans le processus démocratique, ce qui constituera sans aucun doute un obstacle majeur dans la négociation pour l’accession de la Turquie à l’Union européenne que le PES soutient par ailleurs. La démocratie et le respect des droits des minorités ne peuvent être assurés que par le dialogue et par des moyens non violents : le DTP avait un rôle clé dans ce processus”.
Démocrates et Libéraux (ADLE) “La décision de la Cour constitutionnelle représente un pas en arrière pour la résolution pacifique du conflit kurde”, a déclaré le 1er vice-président du groupe parlementaire européen des démocrates et les libéraux (ADLE) qui réclame un débat parlementaire lors de la séance plénière de janvier sur la question “du pluralisme démocratique et sur l’état actuel du dialogue politique interne”.
Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) “La Turquie se débarrasse d’un partenaire de négociation légitime du côté kurde. Une solution pacifique au conflit kurde s’évapore à nouveau”, a expliqué Lothar Bisky, président du GUE/NGL (Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique) ; ” L’interdiction d’un parti démocratique, des jugements arbitraires et la répression de l’identité kurde écartent la Turquie de l’Union européenne, au lieu de la rapprocher”.
Parti communiste français “Ce parti (le DTP) dispose en effet d’une véritable légitimité populaire avec 21 députés. Sa dissolution et le bannissement d’un nombre important de ses cadres constituent un acte de répression judiciaire incompréhensible, provocateur et politiquement condamnable, peu conforme aux critères officiels d’adhésion à l’Union européenne”, écrit le parti communiste français, dans sa ferme protestation et son message de solidarité avec “le peuple kurde et avec toutes les forces progressistes de Turquie”.
Parti socialiste français “Le DTP, membre de l’Internationale socialiste, note le parti socialiste français, est un grand parti représenté à l’Assemblée nationale turque. Son absence de la vie politique en Turquie ne fait qu’aggraver la situation et renforcer les extrémistes”.
Le Parti socialiste espère qu’une solution juste puisse être rapidement trouvée pour ne pas exclure de la vie démocratique, à travers la dissolution du DTP, “plusieurs millions de citoyens qui ont voté pour plusieurs dizaines de députés et de maires appartenant à ce parti”.
Verts/ALE “La décision de la Cour Constitutionnelle d’exclure du jeu politique le parti d’opposition DTP sabote l’ouverture démocratique en Turquie” déclare Hélène Flautre, Présidente de la délégation des relations des Verts/ALE avec la Turquie. Elle appelle également le gouvernement à lancer au plus vite les réformes nécessaires à une modification de la législation turque.
UDB « L’Union démocratique bretonne dénonce fermement la dissolution du DTP, réaffirme sa solidarité avec la lutte du peuple kurde pour la reconnaissance de ses droits culturels et politiques et continuera à apporter son soutien aux réfugiés politiques kurdes en Bretagne. Elle est solidaire de l’association «Amitiés kurdes de Bretagne» qui se démène sans compter pour défendre les droits du peuple kurde ici et là- bas ».
Gouvernement du Kurdistan irakien Le gouvernement autonome du Kurdistan irakien qui a exprimé sa “colère” et espère que le verdict de la Cour constitutionnelle ne bloquera pas l’ouverture engagée par Ankara. L’AFP note également que « quelques centaines de personnes ont manifesté (n.d.l.r. au Kurdistan irakien) contre cette interdiction en brandissant des drapeaux du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More ».
André Métayer