Un étrange enregistrement court sur le net dont on peut traduire le titre par : “le meurtre des trois Fidan à Paris, toute la vérité sur Omer Güney”. Il s’agit d’un document de 40 diapositives servant de support visuel à un enregistrement de plusieurs voix sensées être celles d’Omer Güney, le suspect n°1 dans le meurtre des trois militantes kurdes, de deux autres personnages présentés comme étant membres des services secrets turcs (MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More) qu’on appellera MIT1 et MIT2 et celle bien entendu de celui qui a mis en ligne ce document sonore, qui se présente comme un proche d’Omer Güney et qu’on appellera X.
« J’ai retranscris tout ce qu’Omer m’a demandé de dévoiler »
Je suis un proche d’Omer Güney, dit X, celui qui a assassiné trois femmes à Paris. Omer a été arrêté à Paris le 17 janvier. Omer m’a remis des informations et des documents avant son arrestation en me demandant de les diffuser s’il lui arrivait quelque chose. Omer a reçu du MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More (services secrets turcs) l’ordre de tuer les trois femmes. C’était Sakine Cansiz sa vraie cible. Les autres, il a été obligé de les tuer parce qu’elles étaient là. Avant de passer à l’acte, Omer Güney s’est rendu à maintes reprises en Turquie pour y rencontrer les membres du MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More et planifier le crime. Ce sont les gens du MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More qui ont financé tous ses déplacements en Turquie. C’est aussi le MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More qui lui a donné l’argent pour se procurer l’arme et tout le reste. Il a enregistré un des entretiens qu’il a eu avec les membres du MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More. Il m’a remis une partie de ces enregistrements afin que je les cache et que je les diffuse s’il lui arrivait quelque chose. En prison, personne ne prend de ses nouvelles. Le MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More a utilisé Omer. J’ai retranscris tout ce qu’Omer m’a demandé de dévoiler.
On entend, dans la bande sonore, les voix d’Omer conversant avec deux interlocuteurs, qui semblent être celles de ses supérieurs, mais, curieusement, on ne parle pas de ce triple assassinat. Ce document intéressera néanmoins les autorités judiciaires et policières qui ne devraient pas tarder à savoir s’il s’agit d’un faux grossier, dont il sera toujours intéressant d’en connaître les auteurs et les motivations, ou d’une véritable conversation téléphonique enregistrée par un Omer Güney méfiant ou du moins prenant certaines précautions.
Confusion
Omer Güney est d’abord interrogé par MIT1 sur ses relations avec sa famille, apparemment trop curieuse à son goût, qu’il dit avoir rassurée :
je leur ai aussi dit que je leur causerai jamais de tort. Vraiment aucun, ni financier, ni économique, ni matériel, ni moral.
MIT1 le félicite d’avoir crypté ses téléphones portables et d’avoir “nettoyé” son ordinateur mais passe tout de suite à un interrogatoire en règle : est-il suffisamment prudent, vis-à-vis des forces de l’ordre, la police française, la gendarmerie, les services secrets ?
On se rend très vite compte d’une confusion que fait X entre Abram, diminutif d’Ibrahim, et Ablam qui désigne une femme plus âgée que soi, deux mots phonétiquement proches. Il s’ensuit un certain quiproquo entre Ablam (qui désignerait Sakine) et Abram (qui désignerait un certain Halil Ibrahim Gundogdu).
Un gars qui a déjà envoyé plus de 200 personnes depuis l’Europe vers les montagnes (c’est-à-dire un recruteur du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More pour la guerilla) : “Abram (et non Ablam, ndr) n’a plus d’activité mais il doit disparaître pour que l’on détruise psychologiquement la jeunesse
propose Güney qui est néanmoins aux ordres : il a eu l’opportunité d’éliminer Nedim Seven, accusé par la Turquie d’être le trésorier en Europe du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More et Uzun “c’est-à-dire celui qu’on appelle Heval Siyar”, mais les ordres ne sont pas venus.
Repérages des lieux et autres préparatifs
Omer Güney expose son plan pour atteindre les cibles désignées quand il en recevra l’ordre. Les questions, tant de MIT1 que de MIT2 sont précises, touchant le lieu (les abords de l’association kurde à Villiers-le-Bel), les surveillances (planques des services secrets français, emplacements de caméras), les parkings, les voies d’accès et de replis, les moyens utilisés (voitures volées, achats d’armes neuves en Belgique) les distances à parcourir, et bien entendu le financement. Les fournisseurs d’armes seraient arabes
ce sont des gens de confiance que l’on connaît depuis 8 ans.
Il semble également qu’Omer Güney n’agisse pas seul. C’est du moins ce qu’il apparaît dans les préparatifs. MIT1 et MIT2 insistent à plusieurs reprises sur la nécessité de revoir les plans. La préparation apparaît minutieuse et l’exécution minutée.
Omer Güney : J’ai tout planifié. Moi je serai là, quand Nedim Seven sortira de l’association, je vais le coincer dans ce petit intervalle. Il y a ici un parking souterrain, et s’il le faut c’est là que je me mettrai en embuscade dans la voiture ou quelque part. Et là, ma moto et mon casque seront prêts.
MIT2 : Tu sais Omer pourquoi on te demande tout ça ?
Omer Güney : Bien sûr.
MIT2 : Ce n’est pas dur de se cacher là et d’en mettre trois à Nedim avec un silencieux ; ça tu le feras, c’est le plus facile. La vraie difficulté, c’est de pouvoir fuir, s’en sortir et ne pas se faire arrêter.
Omer Güney : Bien sûr.
MIT2 : C’est pour ça que je te demande les distances, je te demande s’ils pourraient venir ou partir, je te demande précisément combien de mètres. Est-ce que tu as bien calculé combien de minutes il te faut pour aller de là à là ?
Omer Güney : Oui Monsieur.
MIT2 : Tout cela est important.
Omer Güney : Je me suis beaucoup promené par là. En silence, je retournerai à l’association.
MIT2 : Et si les caméras arrivent à voir que tu mets quelque chose dans la voiture ?
Omer Güney : Non, il n’y a pas de caméra dans ce parking. Il n’y a de caméras qu’à l’entrée. Et de toute façon, ce sera une voiture volée. Et dans la voiture, il y a aura une deuxième tenue de change. C’est-à-dire que quand je sortirai avec cette voiture, les caméras ne pourront pas identifier que suis Omer. Par ailleurs, le parking a des sorties de secours dans lesquelles il n’y a aucune caméra.
MIT2 : Tu as prévu d’utiliser des gants ?
Omer Güney : Ne vous inquiétez pas.
MIT1 : Après un certains temps, vas rejoindre un ami à proximité de l’association. Rejoins-le puis viens… Revoyons tout ça encore une fois, coordonnons le tout. Et attends quelque chose de nous. On ne sait jamais si une occasion se présente.
L’authentification des voix est un point capital qui crédibiliserait l’information. Un certain nombre de personnes ayant côtoyé Omer Güney à Villiers-le-Bel disent reconnaître sa voix.
Les cibles visées : Nedim Seven, Siyar, Heval Soro, Remzi Kartal
Les cibles sont nettement nommées par MIT1 par ordre de priorité : Nedim Seven, Siyar, considéré par les tueurs comme le responsable des finances (“c’est le commandant de Paris, tout l’argent est centralisé chez lui”), Heval Soro (Selahattim) et Remzi Kartal, ancien député, co-président du Congrès du Peuple du Kurdistan (Kongra Gel).
Embrouilles et embrouillamini
Mais que s’est-il donc passé ? A supposé que l’enregistrement ne soit pas bidonné, il pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses mais n’est pas pour autant sans intérêt. Tout d’abord disons que la “pièce à conviction ” donnera du crédit aux déclarations de Remzi Kartal et Zubeyir Aydar, membre du conseil exécutif du KCKUnion des Communautés du Kurdistan (Koma Civakên Kurdistan), fédération des organisations kurdes en Turquie. More, qui affirmait déjà, en janvier 2013, avoir reçu des informations selon lesquelles la Turquie aurait envoyé un groupe de tireurs d’élite en Europe afin d’éliminer les dirigeants du mouvement kurde. Mais la grande question est de savoir pourquoi avoir abandonné le projet préparé avec minutie contre Nedim Seven, aux abords des locaux de l’association kurde de Villiers-le-Bel et avoir choisi une autre cible dans un autre lieu, 147 rue Lafayette à Paris, qui, de toute évidence, n’avait pas fait l’objet des mêmes préparatifs ?
Que s’est-il exactement passé ce 9 janvier entre 12h06 et 12h53 ? L’une des militantes aurait-elle découvert quelque chose signant son arrêt de mort ? Pourquoi avoir tiré une 4ème balle dans la bouche de Rojbîn ? Est-ce un avertissement à ceux et celles qui se montrent trop curieux ? Le mode d’exécution assez professionnel jure avec la suite : un chemin de repli non sécurisé, sous l’œil de caméras et pas de plan de fuite organisée. Un 2ème tueur aurait-il pu se glisser, laissant Omer Güney en couverture ? La confusion entre Abram pour Ibrahim et Ablam, qui désigne une femme plus âgée que soi, permet maladroitement d’introduire Sakine dans le lot des personnes visées, ce qui est, ensuite, contredit par la bande sonore. X présente Omer Güney comme celui qui a assassiné trois femmes à Paris, alors que ce présumé coupable continue à nier être l’auteur de ces crimes. Pourquoi divulguer cet enregistrement compromettant pour les services secrets turcs alors qu’ils sont les négociateurs et les intermédiaires entre Öcalan et Erdogan ? Est-ce un épisode dans la guerre qui fait rage aujourd’hui au sein de la mouvance islamiste turque, entre le camp Erdogan et celui de la confrérie Gülen ? X donne sa version : Omer a été lâché par le MITOrganisation du renseignement national (Millî İstihbarat Teşkilatı), services secrets turcs. More et balance ses supérieurs. Sa stratégie est peut-être de continuer à nier devant les magistrats chargés de l’enquête sa participation à un triple meurtre tout en admettant sa participation à la préparation d’un attentat qui n’a pas eu lieu, espérant ainsi échapper ainsi à la Cour d’Assises. Nous sommes impatients de savoir si Madame le juge d’instruction va convoquer Omer Güney toujours détenu au secret à la prison de Fresnes.
André Métayer