12 ans après son arrestation le 15 février 1999 dans les conditions indignes d’une machination internationale politico-barbouzarde, Abdullah Öcalan n’a rien perdu de son aura sur les masses kurdes, n’en déplaise au journal “le Monde” qui, dans un article du 10 novembre 1999, titrait imprudemment “Abdoulla Ocalan, la fin d’un Mythe”! Cette année, comme tous les ans, les Kurdes ont été appelés à de grandes manifestations pour exiger la libération de celui qu’ils considèrent comme leur président et qui reste, depuis l’ile prison d’Imrali, l’interlocuteur incontournable de l’Etat turc. Même la presse turque en convient et parle de la rencontre de fin janvier 2011 entre Öcalan et des émissaires gouvernementaux.
Le PKK doit être rayé de la liste des organisations terroristes
Malgré les perquisitions et les interpellations musclées, les Kurdes ont manifesté en Turquie durant trois jours, notamment à Diyarbakır, Şırnak, Tunceli, Mardin, Siirt, Hakkari, Van, Mus, Iğdır, Agri, Batman, Hakkari, Urfa, Hatay, Adana, Mersin, Istanbul, Bursa, Izmir : circulation interrompue, routes bloquées, écoles fermées, rideaux baissés pour nombre de commerces. Les heurts continuent à Diyarbakır où 20000 manifestants affrontent la police.
Strasbourg a été également un point de rassemblement : plus de 30 000 personnes ont défilé pacifiquement dans les rues demandant la libération de tous les détenus politiques et le respect des libertés démocratiques, ce qui a déclenché l’ire d’un élu municipal socialiste de Strasbourg qui “ne comprend pas que le PS puisse informer d’une manifestation de personnes proches d’un groupe terroriste”. Bernard Revollon, Président des Amis du Peuple kurde à Strasbourg, intervenant au cours du meeting au nom de tous les amis du peuple kurde, s’est chargé de lui répondre en rappelant les crimes et les violations des Droits de l’Homme dont l’État turc est responsable. S’adressant aux gouvernements européens et à l’Union européenne, il leur a demandé de rayer le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More de leur liste des organisations terroristes et d’agir fermement pour que des négociations de paix s’engagent entre la Turquie et les représentants du peuple kurde.
Hier la Tunisie, aujourd’hui l’Egypte, demain le Kurdistan ?
La banderole déployée dans les rues de Strasbourg “Hier la Tunisie, aujourd’hui l’Egypte, demain le Kurdistan” devrait faire réfléchir le gouvernement turc, mais aussi les chancelleries américaines et européennes, si elles ne veulent pas se retrouver dans la situation que la diplomatie française connait face à la Tunisie.
Le Kurdistan est un brûlot dans un pays qui se vante d’une reprise économique spectaculaire mais dans lequel le gouvernement mène une politique d’austérité : 3 millions de chômeurs (21,5 % chez les moins de 24 ans), 300 000 jeunes enseignants sans emplois malgré une carence d’instituteurs, des jeunes diplômés obligés de faire des petits boulots. Le chef du gouvernement, R.T. Erdoğan, estime que l’expérience turque peut servir de “modèle” : les Kurdes apprécieront. Les chômeurs, diplômés ou non, aussi.
Le 14 février dernier, le Président turc Abdullah Gül, en visite officielle à Téhéran, déclarait “soutenir les manifestations populaires pour la démocratisation des régimes autoritaires” alors qu’au même moment le régime de Téhéran qui dit soutenir, lui aussi, “la juste lutte des peuples arabes”, réprimait violemment une manifestation, faisant deux morts, des dizaines de blessés et des centaines d’arrestations. Le Président a sans doute voulu se démarquer du modèle iranien et rassurer les marchés, mais il n’a pas rapporté la preuve qu’il tirait les leçons des événements pour son propre pays.
André Métayer