Paco, sympathique animateur de canal B, ex-instituteur qui a quitté l’école pour être le technicien de cette radio associative, avait invité la communauté kurde de Rennes ce mardi 19 mars pour co-animer une petite heure d’émission de fin de matinée.
“Le Kurdistan ça existe” ? lance-t-il avec un sourire un tantinet provocateur, rentrant dans le vif d’un sujet éminemment sensible, dans le contexte international tel qu’il est vécu aujourd’hui au Moyen Orient, mais aussi partout, même à Rennes. L’occasion était trop belle pour ne pas rappeler le film produit en 1998, par la Délégation rennaise Kurdistan (devenue Amitiés kurdes de Bretagne) “Kurdistan, je reviens d’un pays qui n’existe pas, mais les Kurdes, eux, existent, je les ai rencontrés”. Et de rappeler qu’ils sont 40 millions, un peuple qui vit sur un territoire d’un seul tenant, sur quatre pays (Irak, Iran, Turquie et Syrie), sans compter ceux de la diaspora, précise Mahmut, de l’association Amara – Conseil démocratique kurde de Rennes (CDK-R). Il y en a dans le monde entier – et même à Rennes – qui vont célébrer la fête du NewrozNouvel an kurde (21 mars). More, le Nouvel an kurde.
La fête du NewrozNouvel an kurde (21 mars). More, qui commémore la naissance du peuple kurde, est lourde de symbole, alors que les grèves de la faim pour briser l’isolement d’Öcalan n’ont toujours pas abouti. Nous invitons tous nos amis à venir la célébrer avec nous[[Jeudi 21 mars à 18 h30, au siège de l’association, 11 rue du Pré au Bois à Rennes.]]. Leur présence sera pour nous, Kurdes, un réconfort et une marque de solidarité
a insisté Fehmi, co- président du CDK-R.
Nous exposons nos corps à la mort pour vivre
La situation est particulièrement tendue, comme l’ont exposé Mahmut et Fehmi : les grèves de la faim, pour exiger la levée de l’isolement carcéral imposé au leader kurde Abdullah Ocalan sur l’île-prison d’Imrali, avec déjà une première victime, le silence assourdissant de l’opinion internationale, mais aussi la volonté kurde de ne pas lâcher :
depuis le 1er mars 2019, l’action a pris une ampleur sans précédent avec l’entrée en grève de la faim de l’ensemble des prisonniers politiques kurdes, soit plus de 7000 personnes. Le message des grévistes est : “nous exposons nos corps à la mort pour vivre, pour vivre libre”.
Zilan, une icone
Les auditeurs de canal B ont pu entendre la voix envoutante et nostalgique de Sevda, la chanteuse kurde du groupe Derden, avec Lezgin au saz et Sezer à la guitare. La mélodie, à la fois douce et volontariste, caractérise tout à fait la façon dont les femmes kurdes entendent affirmer leur identité de kurde mais aussi de femme, face l’Etat oppresseur mais aussi face au patriarcat.
Le chant est dédié à Zilan tombée martyre le 30 juin 1996, dans le Dersim, lors d’une opération suicidaire. C’est ce que nous a expliqué Beyhan, entourée de Eda et Berivan, parlant au nom de ZIN 35, association des Femmes kurdes, à la fois incluses dans le CDK-R et indépendantes, une originalité typiquement kurde.
Zeynep Kınacı, alias Zilan, est née en 1972 près de Malatya où elle a étudié la psychologie à l’université et travaillé comme assistante en radiologie à l’hôpital public. En 1994, elle rejoint le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More et la guérilla dans le Dersim, région peuplée majoritairement de Kurdes alévis (un courant moderniste issu du chiisme) où, en 1937, l’armée avait écrasé une révolte faisant des milliers de morts. Avant son fait d’arme qui en en fait une icône, Zilan avait laissé une lettre d’adieu :
je veux être l’expression de la lutte pour la liberté de mon peuple. Contre la politique de l’impérialisme d’asservissement de la femme, je veux en même temps montrer toute ma colère et être le symbole de la résistance de la femme kurde. Ma volonté de vivre est très forte.
Depuis 2004 est organisé chaque année un festival de femmes dans la région de la Ruhr, qui porte son nom, Zilan.
Les ombres de Rojbîn, Sakine et Leyla, assassinées à paris le 9 janvier 2013, planaient aussi.
André Métayer