Le Tribunal permanent des Peuples (TPP), qui a tenu les 15 et 16 mars derniers à Paris à la Bourse du Travail une session portant sur les violations présumées du droit international et du droit international humanitaire par la République de Turquie et ses agents, a rendu son verdict le 24 mai, à l’issue d’une séance solennelle qui s’est tenue à Bruxelles, au Parlement européen.
Au vu des preuves évidentes des faits soumis à son attention et prenant en considération les rapports d’expertise présentés et discutés au cours de l’audience, le Tribunal permanent des Peuples a déclaré l’Etat turc responsable du déni au peuple kurde de son droit à l’autodétermination, “en lui imposant l’identité turque, en niant l’identité et la présence du peuple kurde, en réprimant sa participation à la vie politique, économique et culturelle du pays, interprétée comme une menace à l’autorité de l’Etat turc”.
L’Etat turc est reconnu coupable, durant la période du 1er janvier 2015 au 1er janvier 2017, pour “crimes de guerre au cours de plusieurs confrontations dans les villes du sud-est de l’Anatolie” (Cizre, Sirnak, Nusaybin, Diyarbakir – quartier de Sur-) “ayant notamment consisté en des massacres et des déplacements permanents des populations kurdes, montrant ainsi l’intention d’une tentative d’élimination physique d’une partie du peuple kurde”.
L’Etat turc est reconnu coupable de “crimes d’Etat, comprenant des assassinats ciblés, des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, commises par différents groupes des forces de sécurité et des services secrets, en Turquie et à l’extérieur, en particulier en France” (dont l’assassinat à Paris des trois militantes kurdes Sakine Cansiz, Leyla Saylemez et Fidan Rojbîn Dogan). Le TPP pointe également l’absence d’investigations sérieuses pour rechercher la responsabilité des autorités turques qui démontre une politique d’impunité soutenue par l’Etat.
Le Président de l’Etat turc, Recep Tayyip Erdoğan, porte également, d’après les attendus du tribunal, une responsabilité directe pour les crimes de guerre et les crimes d’Etat : “par ses déclarations et son attitude générale consistant à traiter les Kurdes vivant dans ces régions et leurs dirigeants de terroristes, il a incité les forces de police et les militaires à user d’une violence indiscriminée contre les combattants et la population civile et l’a légitimée.”
Le général Adem Huduti, chef de la seconde armée de Turquie, porte aussi une responsabilité directe pour les crimes susmentionnés, comme architecte principal des opérations combinées entre les forces militaires, la police et les milices paramilitaires : emploi disproportionné de la force entrainant des pertes importantes dans la population civile et des destructions délibérées d’infrastructures civiles, historiques, religieuses.
André Métayer