Leyla Zana et Osman Baydemir sont sans conteste deux personnalités du “top 10” du paysage kurde qu’une délégation des Amitiés kurdes de Bretagne (AKB) a rencontré le 2 mai dernier. La future députée de Diyarbakir et le maire métropolitain de cette ville participaient à un sit-in organisé dans le cadre des opérations dites de “désobéissance civile” pour appuyer les quatre revendications principales de la campagne en faveur de la paix et de la démocratie.
Leyla Zana
Leyla Zana, candidate aux élections législatives du 12 juin prochain va faire son retour à la “Grande assemblée de Turquie ” qu’elle avait quittée, en 1994, menottée, pour avoir, lors de sa prestation de serment, prononcé des mots de paix et de fraternité en langue kurde. Le procureur avait requis la peine de mort pour “trahison et séparatisme”. Le tribunal avait commué cette peine, sous la pression internationale, en quinze années de détention. Aujourd’hui Leyla Zana savoure déjà sa première victoire, celle de pouvoir faire campagne en langue kurde !
Tragique destin que celui de cette femme de 50 ans, mariée très jeune, en 1975, à Mehdi Zana, qui devint en 1978 maire de Diyarbakir et que le coup d’état militaire de 1980 précipita pour onze ans dans un cul-de-basse-fosse de la prison n°5 de Diyarbakir où il endura les pires tortures (cf. La prison n°5, Arlea 1995, préfacé par Elie Wiesel).
Elle connut donc, très jeune, la situation humiliante et traumatisante des femmes de détenus venant rendre visite à leurs proches. Elle fut elle-même arrêtée et torturée.
En 1994, elle reçoit de prix de la Fondation norvégienne Rafto pour les Droits de l’Homme et le prix Sakharov que lui décerne le Parlement européen pour “honorer sa liberté d’esprit”. En 1995 elle reçoit le prix autrichien Bruno-Kreisky. En 2004 la Ville de Paris lui rend un vibrant hommage en la faisant citoyenne d’honneur et le Parlement européen peut enfin, à Strasbourg lors d’une cérémonie solennelle, lui remettre le prix décerné onze ans plus tôt.
Pour autant l’État turc ne désarme pas et la poursuit de sa vindicte : elle a été en 2007 empêchée de se présenter aux élections législatives et les manœuvres pour faire invalider sa candidature en 2011 ont été déjouées de justesse, sous la pression conjuguée des forces démocratiques intérieures et extérieures.
Elle ne compte plus les procédures judiciaires lancées contre elle et dit avec humour qu’il lui faudrait vivre plus que centenaire pour purger les peines encourues.
Osman Baydemir
Comme Leyla Zana, Osman Baydemir ne compte plus les procès engagés contre lui (plus de 200 selon Amnesty International). Cet avocat, né il y a quarante ans à Diyarbakir, est un militant pugnace : nous pouvons en témoigner, qui le côtoyons depuis 1994 alors qu’il était déjà président de la section locale de l’IHD (Association des Droits de l’Homme de Turquie, affiliée à la Fédération internationale des Ligues des Droits de l’Homme) à l’époque des enlèvements et des assassinats ciblés, même en plein centre de Diyarbakir. En 1999, il est l’un des premiers avocats à se déclarer volontaire pour assurer la défense d’Abdullah Öcalan. Vice-président de l’IHD, il crée en 2001 la Fondation pour les Droits de l’Homme (HRFT). Le parti pro-kurde DEHAP le présente à la députation en 2002 mais il ne peut siéger au Parlement, victime de la loi électorale qui invalide l’élection de tous les députés dont le parti n’a pas franchi nationalement la barre des 10%.
Elu triomphalement en 2004 maire de la métropole kurde de Diyarbakir, “sa” ville, réélu en 2008, il assure depuis deux mandats cette responsabilité, lourde déjà en soi, mais qui devient écrasante quand elle est exercée sous la pression administrative, politique, policière et judiciaire. Il a été victime de plusieurs tentatives d’assassinat.
Osman Baydemir, au fil des années, a gagné une réputation internationale. En tant que maire de Diyarbakir et président de l’Union des Municipalités du Sud-est anatolien, il siège au bureau de l’organisation internationale CGLU, (Cités et Gouvernements locaux unis) qui regroupe les grandes associations nationales de pouvoirs locaux dans 136 pays du Monde et participe à nombreux congrès à travers le Monde : Parlement européen, Rafto Foundation (Norvège), Kurdish Human Rights Project (Grande Bretagne), Medico International (Allemagne), Bar Human Rights Committee (Pays de Galles) pour faire connaître la problématique kurde. C’est pourquoi, à l’issue d’une énième garde à vue, il s’est vu signifier une assignation à résidence avec interdiction de quitter le territoire. Son passeport lui a été retiré.
Osman Baydemir est un ami de la Ville de Rennes. Il souhaite une coopération renforcée entre les deux villes : il l’a dit et répété à la délégation AKB qu’il a reçue cordialement.
André Métayer