Les images sont légions : murs, barbelés, douanes, passeports… les frontières multiples : culturelles, politiques, géographiques, religieuses, sociales. Il est impossible de saisir la pluralité de ces concepts en une définition ni de les réunir en un mot, mais la photographie permet de mettre en image une réalité que les mots ne peuvent incarner. C’est un outil qu’il faut apprendre à dompter, un savoir que tout à chacun peut s’approprier tant son message est universel.
Le premier jour d’atelier s’est déroulé dans le deuxième camp de Lavrio. Un camp de conteneur isolé du centre-ville, dans une déchèterie municipale. Non seulement indispensables à l’organisation des activités, les premiers jours constituent le moment de la rencontre. Le temps de l’intégration dans un lieu certes de passage, mais dans lequel se déploie la vie, qui, même dans son caractère immobile, ne s’arrête jamais. Le soulagement de l’arrivée, le poids de l’attente, l’allégresse du départ… c’est entre ces couleurs émotionnelles diverses et parfois contradictoires, que nos ateliers tentent d’ouvrir une brèche dans laquelle les mots peuvent prendre la forme de notes de musique, de dessins ou de clichés photographiques.
Symboles politiques, drapeaux, animaux, frontière du camp… le premier exercice cherche à arrêter dans le temps, figer sur une image, ce qui constitue leur quotidien dans cet espace fermé, délimité. Les visages familiers, les jouets, les objets de la vie quotidienne se retrouvent sur les appareils photos de tous les enfants qui mettent en image ce qui constitue leur réalité passagère. Les limites de l’espace du camp créent dans un premier temps celles de l’espace photographique. Si l’énergie des enfants et leur imagination sont sans limite, maintenir leur concentration constitue en revanche un véritable défi.
Après quelques jours de travail à l’intérieur des murs, le temps d’apprivoiser l’outil “appareil photo”, c’est la totalité de la ville qui s’ouvre à nos apprentis reporters, l’esprit de Tintin guidant leurs pas dans le port de Lavrio. Les bâtiments abandonnés deviennent des monstres de béton, le port et ses bateaux, un horizon tacheté de nuages, les fleurs une touche de couleur vive dans un quotidien bitumé. Pendant près d’une heure, les différentes techniques apprises et expérimentées dans le camp, sont déployées à l’extérieur : travail en binôme, mise en scène, portrait et série permettent aux photographes en herbe de réaliser des clichés dont la qualité graphique est indéniable !
Les travaux d’art plastique et de photographie se complètent : travail sur la couleur, appréhension des lignes de fuite et utilisation de la lumière… Tous les éléments sont donc réunis pour que le camp se pare, ce jeudi soir 20 juin, des photos, des multiples dessins et peintures réalisés par les futurs artistes reconnus du camp de Lavrio : Amina, Diana, Avesta, Perwin, Berivan, Nesrin, Renas, Sipan, Roni, Dilshan, Secwan, Hasmin, Silan, Siar, Harin, Marina, Amet, Merwan, Mohammed, Pervin, Nazo, Heilem, Leila, Delsir…
Concert, danse, vernissage de leur exposition photo et plastique… le 20 juin à 20h, les enfants du camp de Lavrio ont organisé leur soirée ! Les hôtes ont accueilli les spectateurs par dizaines dans la salle d’exposition avant de fermer la porte pour que les musiciens, chanteurs et guitaristes, puissent nous interpréter les chansons qu’ils ont répétées pendant deux semaines avec leur professeur de musique. Sous le regard bienveillant de leurs familles, des habitants du camp et de la ville de Lavrio, les musiciens ont alors pris les guitares et démontré leurs talents de chanteurs. Autour de gâteaux et de jus de fruits, les festivités se sont poursuivies dans la cour ou enfants et adultes se sont réunis pour danser le Gowend, la danse traditionnelle kurde, jusqu’à la tombée de la nuit. Cette soirée fut un succès amplement mérité tant le travail des enfants fut remarquable au cours de ces deux semaines d’ateliers !
Gelek spas zaroken ! (un grand merci à vous les enfants)
Tony Rublon