L’AFP, dans sa dépêche du 19 octobre annonçait que “huit rebelles venant de camps du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More dans les monts Qandil (nord de l’Irak), s’étaient présentés, sans armes, au poste frontière turco-irakien de Habur” et qu’ils étaient accompagnés d’un second “groupe de paix” composé de 26 “civils” en provenance d’un camp de réfugiés kurdes de Turquie au nord d’Erbil (nord de l’Irak), le camp de Maxmur.
L’AFP (20/10 à 15h) précise encore que tous ont été remis en liberté, y compris les “huit rebelles”, que la Turquie “a appelé une nouvelle fois les séparatistes à se rendre” et que “le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, clandestin) a toutefois rejeté une éventuelle reddition.”
Il faut retenir en premier lieu que le PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More, encouragé par le parti pro kurde légal, le DTP, prend tous les risques pour forcer le dialogue de la paix ; il est soutenu, il est vrai, par une population enthousiaste qui, par dizaines de milliers, se presse pour accueillir les “groupes de Paix” ; ROV TV parle déjà “d’une marche de la paix” qui conduirait une foule énorme de Hakkari à Diyarbakir et jusqu’à Ankara.
Il faut retenir aussi que la Turquie ne ferme pas la porte à priori à d’éventuelles pourparlers, contrairement à ce qui s’était passé en 1999 (les émissaires du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More avaient été arrêtés et conduits directement en prison).
Enfin il faut noter qu’il s’agit de négociations, et non d’une reddition : le premier signe positif serait, bien sûr, l’arrêt des combats au terme d’un cessez-le-feu bilatéral conclu, même tacitement, et respecté de part et d’autre.
La délégation a déclaré qu’elle souhaitait que le plan stratégique proposé par Abdullah Öcalan soit remis à de vrais interlocuteurs, permettant ainsi l’ouverture d’un débat public sur les points qui ont été maintes fois évoqués : les libertés politiques et culturelles (reconnaissance de l’identité kurde, dans le cadre d’une réforme constitutionnelle, liberté de parler et d’enseigner le kurde, liberté de donner des noms kurdes aux enfants, développement culturel, littéraire et artistique, défense du patrimoine, liberté d’expression, droit de réunion et de participation à la vie politique).
Le plan demande aussi des garanties pour les citoyens de vivre dans les villes et villages du Kurdistan, sans avoir à redouter la violence des forces gouvernementales, et la suppression des forces supplétives (gardiens de village) ; il souhaite enfin l’institution d’une véritable démocratie dans une Turquie dotée d’une constitution civile :
“la base de toute solution démocratique à la question kurde se trouve dans ces propositions de paix et nous cherchons à en débattre ouvertement, en Turquie, avec toute la communauté démocratique.”
La paix n’est sans doute pas pour demain et il faudra bien, notamment, que les prisons s’ouvrent et libèrent les milliers de détenus politiques (parmi lesquels les 500 cadres et élus du DTP) ; les “rentiers de la guerre” (entendez ceux qui en vivent) ne vont pas manquer de saborder les prémices de la paix, à commencer par le chef d’État-major des armées qui s’immisce volontiers dans la vie politique du pays, comme la constitution le lui permet, mais aussi l’appareil militaro-judiciaire et toutes les forces obscures de “l’Etat profond”, cette nébuleuse que l’affaire du réseau “Ergenekon” a révélé au grand public.
Il est souhaitable que l’opinion publique, la représentation politique, et les medias, en Europe comme en France, soutiennent les efforts de paix en respectant la dignité de ceux qui, dans les deux camps, ont la lourde tâche de négocier ; les dérapages sont à craindre, par ignorance, par calcul, par intérêt, par bêtise.
Il est vraiment dommage, dans ce contexte, d’être obligé de constater l’acharnement de la justice française qui, sous prétexte de lutte antiterroriste, vient encore de perquisitionner le centre culturel kurde Ahmet Kaya de Paris et de mettre en garde à vue le Président de la Fédération des Associations Kurdes en France, Mehmet Ulker. Terroriste ? Pas davantage que la vingtaine de Kurdes qui croupissent dans les prisons françaises, sans compter ceux qui sont “en liberté conditionnelle” assignés à résidence : tous des militants de la cause kurde qui ne demandent, pas plus, pas moins, que le respect des droits politiques et culturels du peuple kurde.
“Les juges antiterroristes se trouvent toujours à la frontière du droit et de la raison d’État” a-t-on déjà écrit, mais, en l’occurrence, dans ce cas précis, on peut se demander quel rôle joue la justice française, toujours complaisante avec son homologue turque.
André Métayer