Les attaques à l’arme chimique de l’État turc ont fait l’objet de manifestations et de rassemblements ce samedi 29 octobre dans les villes de plusieurs pays européens, pour dénoncer les crimes de guerre commis par l’État turc. Kurdistan au féminin rapporte :
Depuis début 2021, les organisations kurdes signalent l’utilisation d’armes chimiques et des bombes dites « sales » par l’armée turque contre les combattants du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More au Kurdistan du Sud. Ni l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), ni l’ONU, ni les gouvernements n’ont répondu aux appels à une enquête indépendante sur l’utilisation d’armes chimiques. Il y a près de deux semaines, les noms de 17 combattants de la guérilla tués avec des armes chimiques ont été publiés. Des images de combattants mourants ont également été diffusées le même jour. La présidente de l’Association médicale turque (Türk Tabipleri Birliği – TTB), Şebnem Korur Fincancı, a été arrêtée à Ankara pour avoir préconisé une enquête sur les allégations après avoir visionné la séquence vidéo. L’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (International Physicians for the Prevention of Nuclear War – IPPNW) avait précédemment publié le rapport d’une délégation partie au Kurdistan du Sud et confirmé des preuves suffisantes justifiant l’ouverture d’une enquête internationale.
Manifestations en Allemagne à Hambourg, Giessen, Heilbronn, Kiel
A Hambourg, l’action était soutenue par l’Assemblée des femmes de Rojbin, les forces internationalistes allemandes et la jeunesse patriotique, qui ont déployé des banderoles sur lesquelles on pouvait lire « 17 combattants de la liberté massacrés par l’État turc avec des armes chimiques » et « Arrêtez les armes chimiques utilisées par Erdogan ». Les jeunes portaient des combinaisons blanches. L’ONU et les institutions internationales, qui gardent le silence contre ces attaques, ont été déclarées complices de l’Etat turc. A Giessen, ville universitaire du Land de Hesse, les manifestants ont également dénoncé l’utilisation de produits chimiques par l’État turc et le silence de l’OIAC. A Heilbronn, des dizaines de Kurdes et leurs amis se sont rassemblés sur la Kilianzplatz sous les portraits géants des 17 guérilleros tués à l’arme chimique et des appels ont été lancés aux États européens, en particulier à l’Allemagne, pour qu’ils abandonnent leur politique hypocrite à l’égard des Kurdes. A Kiel, après une marche réunissant Kurdes et leurs amis allemands, un des organisateurs prit la parole pour dénoncer ces attaques de l’État turc à l’arme chimique et celles de l’Iran contre les Kurdes et contre les femmes en particulier.
En France à Fougères, Lorient, Rennes, Draguignan, Marseille, Paris
Le Conseil démocratique kurde en France (CDK-F) avait relayé l’appel du Congrès de la Société démocratique du Kurdistan en Europe (KCDK-E) auprès de ses 24 associations de la diaspora kurde à travers toute la France et appelé à manifester :
C’est avec beaucoup de colère et de tristesse que nous avons appris aujourd’hui le décès de 17 combattants kurdes suite à l’utilisation d’armes chimiques par l’armée turque. En effet, depuis plusieurs années, l’armée turque mène des opérations transfrontalières contre le Sud-Kurdistan (Kurdistan irakien). Sans succès, elle a procédé à de multiples reprises à l’utilisation d’armes chimiques contre les combattants des Forces de défense du Peuple (HPGForce de défense du peuple (Hêzên Parastina Gel), branche armée du PKK. More, branche armée du PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More). C’est pourquoi, nous demandons incessamment aux organisations de la société civile française, aux experts en la matière, aux partis politiques d’agir pour pousser l’OIAC à enquêter sur l’utilisation d’armes chimiques et faire condamner la Turquie pour crimes de guerre. Nous appelons par ailleurs les médias français à mettre fin au silence assourdissant quant à la question de l’utilisation d’armes chimiques contre les combattants kurdes au Sud-Kurdistan.
Appel entendu à Paris par les manifestants venus clamer leur colère :
Nous demandons une enquête indépendante sur l’utilisation par la Turquie d’armes chimiques au Sud-Kurdistan et des sanctions contre le gouvernement d’Erdoğan. Nous appelons également le gouvernement français, les Nations Unies et la communauté internationale à cesser de fermer les yeux sur ces crimes contre l’humanité en raison d’intérêts économiques ! La politique de guerre turque doit enfin être dénoncée.
Même colère à Marseille, à Draguignan, à Rennes, qui s’est exprimée au cours de marches rythmées par les slogans, repris par les manifestants portant banderoles, drapeaux et distribuant des tracts explicatifs. Des rassemblements identiques avaient eu lieu à Lorient le 21 octobre et à Fougères le 23 octobre.
Mais aussi en Suisse (Genève), en Autriche (Graz), à Chypre (Nicosie)
Après un sit-in de 3 jours devant le siège européen des Nations-unies à Genève, organisé par Conseil démocratique kurde suisse (CDK-S) et l’Union suisse des femmes kurdes (YJK-S), une marche a conduit les manifestants rassemblés devant le siège du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) jusqu’à la place des Nations, où se trouve l’ONU, protestant contre l’arrestation des journalistes « coupables » d’avoir relayé des informations au sujet de l’utilisation d’armes chimiques après la déclaration du président de l’Association médicale turque (TTB) : « nous devons intensifier la lutte contre ce crime contre l’humanité. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous battre ». Les Kurdes et leurs amis se sont aussi rassemblés sur la Hauptplatz dans la ville autrichienne de Graz pour protester contre les attaques chimiques de l’État turc. En plus des slogans demandant la solidarité des peuples, des slogans tels que « Jin Jiyan Azadi », « Dictateur Erdoğan, Turquie fasciste », « Armée turque hors du Kurdistan » ont été criés lors de la manifestation au cours de laquelle des tracts en allemand ont été distribués. A Nicosie, capitale de Chypre, des militants ont tenu un stand sur la place Lidra, distribué des centaines de tracts, puis ont marché jusqu’au poste-frontière turc pour crier leur colère et rendre hommage aux ‘’guérilleros de la liberté’’, victimes d’attaques à l’arme chimique.
Dès 2003, les AKB dénonçaient l’utilisation de produits chimiques
Dans le livre « Karapinar » édité en 2003, un travail de mémoire à partir de récits recueillis auprès de ces Kurdes immigrés à Rennes chassés de leur village Karapinar (province de Muş) en 1994 par l’armée turque qui incendia leur maison, Haci, âgé de quinze ans au moment des faits, raconte :
j’étais présent quand les soldats sont venus chez Necmettin jeter de la poudre : ils portaient des gants et des masques à gaz, ce qui laisserait craindre que cette fameuse poudre dont tout le monde parle soit un produit chimique hautement toxique. Besra souffre des yeux et des poumons depuis ces événements.
Ali, né en 1979, arrivé à Rennes en 1998, avoue qu’il avait peur de l’armée et qu’il se cachait dès que des mouvements de troupe étaient signalés :
j’ai vu, à 200 m de chez moi, les militaires mettre le feu à une maison avec un produit qui était comme une poudre blanche qui irritait les muqueuses. La maison fut détruite entièrement par le feu sous les yeux des habitants impuissants, empêchés qu’ils étaient par l’armée d’éteindre l’incendie.
André Métayer
Photo : Eylem