“Le premier Ministre Recep Tayyip Erdogan a sévèrement critiqué Leyla Zana en lui enjoignant de quitter le parlement et de rejoindre le PKK” (Hurriyet.com.tr du 10/01/2012).
Leyla Zana, qui aurait déclaré que les armes étaient pour les Kurdes “une police d’assurance” est députée de Diyarbakir et sans doute la personnalité kurde la plus connue en Europe et dans le Monde.
Leyla Zana en quelques dates
Rappelons quelques dates.
20 octobre 1991: après avoir prêté serment en turc à l’Assemblée Nationale, comme le veut le protocole, Leyla Zana, députée de Diyarbakir, ajoute en kurde : “J’ai fait ce serment pour la fraternité des peuples turc et kurde”. Résultat : levée de l’immunité parlementaire, arrestation, incarcération.
8 décembre 1994, condamnation à 15 ans de prison pour “séparatisme”.
2004 : Leyla Zana sort de prison et est reçue au Parlement européen qui lui a attribué en 1995 le prix Sakharov.
2007 : procès pour “fait de propagande au bénéfice d’une organisation illégale”, sa candidature à la députation est invalidée, elle ne peut se présenter aux élections législatives. Nouvelle enquête judiciaire et nouveau procès pour avoir prôné une structure d’Etat fédéral pour la Turquie permettant aux Kurdes de jouir d’une autonomie. Condamnée à deux ans de prison, elle fait appel.
2008 : une peine de 60 ans d’emprisonnement est requise contre Leyla Zana pour neuf discours prononcés en 2007, au motif de “propagande envers une organisation illégale ” et de “participation aux activités criminelles, bien que non membre, de l’organisation [terroriste]”. La procédure est toujours en cours.
2011 : Leyla Zana est élue députée de Diyarbakir.
L’activité politique de Leyla Zana n’a pas commencé en 1991. C’est le contact avec la prison qui a fait son éducation politique, d’abord en rendant visite à son mari, maire de Diyarbakir arrêté en 1980, atrocement torturé et condamné à 36 ans d’emprisonnement (il y restera 14 ans). Puis, en étant elle-même mise en état d’arrestation, en 1988, avec 83 autres épouses ou mères de détenus, accusée d’avoir “incité le peuple à la révolte”. Torturée, soumise à des interrogatoires musclés et à des traitements inhumains et dégradants, elle passera 50 nuits et 50 jours en prison au milieu de détenues de droit commun : “c’est de cette époque que date mon engagement. Quand j’ai appris qu’il y avait des femmes kurdes qui prenaient le fusil, cela m’a beaucoup touchée. Je me suis dit : cela change tout, la femme aussi est un être humain”.
“Avant l’abandon de la lutte armée, Il faut rétablir la confiance”
Aujourd’hui RT Erdogan a ordonné une enquête contre elle, pour sa déclaration, dans une interview au journal Yeni Ögür Politika, au sujet de la lutte armée :
Déposer les armes ne doit pas être à l’ordre du jour dans la situation actuelle tant que les Kurdes n’ont pas de la part de l’Etat les garanties constitutionnelles demandées. Pour autant, je me range dans le camp de ceux qui souhaitent le silence des armes car nous en avons assez de voir des jeunes se faire tuer dans cette guerre. Chacun d’entre nous ressent un profond chagrin à l’annonce de ces morts. Mais le pacte de confiance est rompu avec l’Etat depuis les années 80 et la lutte armée est une garantie pour les Kurdes. Il faut d’abord rétablir la confiance et pour ce, certaines mesures doivent être prises préalablement.
Deux procureurs sont chargés de l’enquête, celui de Diyarbakir a pour mission de formuler l’acte d’accusation et celui d’Ankara d’instruire une procédure de levée de l’immunité parlementaire.
André Métayer