“La justice turque a décidé samedi de libérer de prison trois députés kurdes soupçonnés de liens avec la rébellion du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More), au lendemain d’un arrêt similaire concernant deux autres parlementaires kurdes, a-t-on indiqué de source judiciaire” (AFP, Ankara, 4 janvier 2014).
Il s’agit de Kemal Aktas, Selma Irmak, Faysal Sariyildiz, Ibrahim Ayhan et Gülser Yildirim.
Kemal Aktaş, né en 1958 à Suruç (province de Sanliurfa), diplômé de l’École secondaire industrielle d’Urfa, élu député de Van, a déjà un long parcours de militant kurde. Il est arrêté, torturé et condamné par une cour martiale à 22 années de prison lors du coup d’Etat de 1980. Il en sortira en septembre 2001. Il devient, après sa libération, directeur municipal à Urfa, adhère au HADEP, puis au DTP, dont il est membre fondateur. Elu en 2006 vice-président chargé des questions de l’écologie, il sera, le 14 avril 2009, interpellé et mis en détention. Il est aujourd’hui libéré après cinq années de détention. Il cumule déjà 26 années de prison.
Selma Irmak, née en 1971 à Kiziltepe (province de Mardin), élue députée de Sirnak, fait partie de ces jeunes femmes qui militent dans les organisations étudiantes et au Centre culturel de Mésopotamie (MKM). Elle a déjà connu la prison en 1994. Animatrice de l’Institut kurde d’Istanbul, elle adhère au HADEP, puis au DTP dont elle devient la présidente de la section régionale de Konya. Après les élections municipales de mars 2009, où elle s’était portée candidate, elle est arrêtée et mise en détention. Elle est libre après cinq années de détention.
Faisal Sarıyıldız, né en 1975 à Cizre, a été aussi élu député de Sirnak. Cet ingénieur en construction mécanique est connu comme journaliste écrivant dans deux journaux kurdes, « Ülkede Gündem » et « Özgür Bakis ». Arrêté lui aussi après les élections municipales de 2009, mis en détention, il est aujourd’hui libéré après cinq années de détention.
Ibrahim Ayhan, né en 1969 à Siverek (province de Sanliurfa), marié et père de deux enfants, diplômé de l’université de Van en agriculture, commence une carrière d’enseignant à Urfa et milite à Egitim-Sen, une très forte organisation syndicale d’enseignants, plusieurs fois suspendue et menacée de dissolution au motif qu’elle mènerait des actions susceptibles de mettre en péril l’unité de la République, ce qui lui vaut d’être exilé, de 1997 à 2007, à plus de 1 000 km, près de la Mer Noire. A son retour, il milite au DTP/BDP et est élu président de la section régionale d’Urfa. Il est interpellé le 1er octobre 2010 et incarcéré. Il est aujourd’hui libéré après cinq années de détention.
Gulser Yildirim, née en 1963 à Nusaybin (province de Mardin), élue députée de Mardin, était accusée de faire partie de la branche urbaine du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKKPartiya Karkerên Kurdistan, Parti des Travailleurs du Kurdistan, fondé en 1978. More). Cette mère de famille de 4 enfants est connue pour être une militante dans les mouvements de femmes, a été de toutes les luttes avec le HADEP, le DEHAP, le DTP et aujourd’hui le BDP où elle exerçait, jusqu’à son arrestation, en février 2010, les fonctions d’administratrice. Elle était détenue à la prison de Mardin et a recouvré la liberté après quatre années de détention.
Hatip Dicle reste en prison
Hatip Dicle a été élu député BDP de Diyarbakir mais son élection a été invalidée par le Haut Conseil des Élections et il a été remplacé, selon les règles inéquitables qui régissent le mode d’élection en Turquie, par un député AKPAdalet ve Kalkınma Partisi (Parti de la Justice et du Développement), parti islamiste aux mains de l’autocrate Erdogan. More (parti islamo-conservateur au pouvoir) est “la” figure emblématique de la résistance kurde au Kurdistan, comme Leyla Zana, auréolée du prix Sakharov, l’est en Europe. Déjà, en 1994, alors député de Diyarbakir, il avait été privé de son immunité parlementaire et emprisonné pendant 10 ans, en même temps que Leyla Zana. En 2009, il a encore été arrêté et mis en détention. Il cumule déjà 15 années de prison. Les avocats du BDP préparent une demande de libération pour tous les élus auprès de la Cour Constitutionnelle.
Demandes urgentes de libération
Il est demandé une libération immédiate pour 163 détenus gravement malades, en danger de mort. Cette libération arrivera trop tard pour Syithan Taskiran, détenu dans une cellule à la maison d’arrêt de Bitlis, qui vient de décéder des suites d’une crise cardiaque survenue le 18 décembre dernier.
Procès de journalistes
46 journalistes kurdes ont été interpellés le 20 décembre 2011 et 36 d’entre eux ont été incarcérés. 19 sont toujours détenus depuis 25 mois. Le procès de ces 46 prévenus s’ouvrira le 13 janvier prochain. La Turquie reste aujourd’hui la plus grande prison du monde pour les journalistes, avec au total 64 journalistes emprisonnés dont cinq rédacteurs en chef.
André Métayer