LIBERTE DE LA PRESSE MENACEE EN TURQUIE

“On espérait que l’époque où les autorités donnaient aux médias des directives pour la couverture des sujets les plus sensibles était révolue en Turquie. L’engagement des principales agences de presse à observer la ligne officielle fait aujourd’hui peser de sérieuses menaces sur la liberté de l’information,” (déclaration de Reporters sans frontières – RSF)

Le tout puissant Premier Ministre R.T Erdogan a convoqué les cinq plus grandes agences de presse de Turquie pour leur intimer l’ordre d’observer la ligne officielle en se conformant aux interdits de publication des autorités compétentes, ce qu’elles ont accepté : Les informations et les images seront transmises aux abonnés en tenant compte “de leur utilité sociale et de la solidarité“. Ragip Zarakolu, directeur des éditions Belge (Belge Yayınları), a été arrêté ce 28 octobre 2011 à Istanbul.

Place des medias dans le ” modèle turc”

Le traitement des journalistes est identique à celui des militants politiques ou associatifs qui ne pratiquent pas la politique d’alignement. Nous avons déjà signalé que depuis le 14 avril 2009, plus de 5000 personnes ont été arrêtées dont les motifs sont basés exclusivement sur des conversations téléphoniques, de propos de campagne électorale ou tirés de conférences de presse. Nous signalions également qu’au moins 70 journalistes, kurdes pour la plupart, sont, à ce jour, en prison. RSF, qui dénonce “la prise en otage” des journalistes en Turquie, rapporte ce qu’il en coûte à ceux qui refusent de s’autocensurer.

les exemples abondent : citons la journaliste du quotidien Taraf, Nese Düzel, et son rédacteur en chef Adnan Demir, poursuivis pour deux interviews d’anciens dirigeants du PKK, publiés en avril 2010, et menacés de 7 ans de prison ; une connexion régulière sur le site de l’agence de presse ANF vaut également sept ans de prison ; le fait de couvrir une opération militaire des “forces spéciales”, des manifestations kurdes à Diyarbakir ou Hakkari, le procès d’un gardien de village (supplétif de l’armée turque) accusé de viol sur mineure, peut vous conduire en prison. Eren Keskin, cette avocate bien connue à Rennes, a reçu un “avertissement” du barreau d’Istanbul à la suite d’une condamnation (prison avec sursis et forte amende), en tant que directrice de “Özgür Gündem”, pour avoir prononcé le mot “Kurdistan” dans une conférence prononcée… en 2004. Recours massif à la détention préventive, lourdes amendes et sanctions administratives sont les moyens couramment employés pour étrangler la liberté d’expression.

Ragip Zarakolu, éditeur et défenseur des droits de l’Homme, arrêté en Turquie

Ragip Zarakolu
Ragip Zarakolu

Ragip Zarakolu, directeur des éditions Belge (Belge Yayınları), a été arrêté ce 28 octobre 2011 à Istanbul ; son fils, Deniz Zarakolu, éditeur également de Belge Yayınları, ingénieur, doctorant à l’université Bilgi d’Istanbul avait déjà été mis en état d’arrestation le 4 octobre 2011 pour avoir donner une conférence sur “La Politique d’Aristote” organisée dans le cadre des activités du très légal parti pro kurde BDP, Parti pour la Paix et la Démocratie.

Né en 1948, le turc Ragip Zarakolu est l’un des fondateurs de l’Association des Droits de l’Homme en Turquie. Menant son combat, en Turquie même, depuis de nombreuses années, il n’a jamais été ménagé, ni par les militaires, ni par les islamistes, ce qui lui a valu un certain nombre de séjour en prison : déjà en 1972, la junte militaire l’avait condamné pour ses relations avec Amnesty International. Militant pour la reconnaissance du génocide arménien, il fut l’ami et le compagnon de lutte du journaliste Hrant Dink assassiné le 19 janvier 2007. Sa maison d’édition a publié plusieurs livres sur l’oppression des minorités nationales en Turquie.

Le même jour, la professeure Büşra Ersanlı, experte en droit constitutionnel et membre du Parti pour la paix et la démocratie (BDP), était interpellée avec des dizaines d’autres kurdes.

Selahattin Demirtaş, co-président du BDP, menace de boycotter la commission de révision de la constitution et exige du gouvernement une remise en liberté immédiate pour tous.

André Métayer