Éminemment politique et fortement symbolique, le NewrozNouvel an kurde (21 mars). More fut cette année la célébration de l’insoumission. Un chant d’union et de révolte face à tous ceux qui souhaiteraient n’entendre que le silence imposé par le bruit des armes et le fracas des bombes.
Cette fête du printemps ne porte pas les mêmes couleurs que les années précédentes. L’arrivée du jour nouveau ne voit ni portraits d’Abdullah Öcalan flotter dans le ciel, ni sa voix se répandre dans le parc du NewrozNouvel an kurde (21 mars). More de Diyarbakir, imposant le silence par respect et non par force. Aux abois, les forces de l’ordre turques ont confiné le parc dans un réduit entouré de barrières frappées du sigle « Polis », débunkérisant la mairie de Diyarbakir pour transformer le parc du NewrozNouvel an kurde (21 mars). More en forteresse militaire.
« Passez au prochain check-point » ou « revenez demain »… les amabilités sont légions au passage des points de contrôle. Le rouge, le jaune et le vert, couleurs de « propagande terroriste semant terreur et chaos » selon la police turque, ne sont d’ailleurs pas autorisées à rentrer dans le parc, les symboles étant bien souvent plus lourd de sens que les armes… ce sont par ailleurs des hommes lourdement armés qui s’assurent qu’aucune de ces couleurs dangereuse ne puissent pénétrer sur le site, pas plus que le « V » imprimé sur nos laissez-passer.
La provocation est évidente. Une douzaine de points d’entrées disséminés tout autour du parc affichent la couleur : l’armée et la police occupent la ville et décident de vous laisser pénétrer une zone qui est sous leur contrôle. Pas de mot d’ordre ou de consigne, les fouilles sont aléatoires, plus ou moins longues et agressives .Ici l’arbitraire est roi et permet même d’assassiner de sang-froid un membre de la jeunesse flamboyant : Kemal Kurkut supprimé d’une balle dans le dos.
Ni Abdullah Öcalan, ni Selahattin Demirtaş, ni Figen Yüksekdağ n’ont pu porter leurs mots sur l’esplanade du NewrozNouvel an kurde (21 mars). More cette année : leurs voix sont restées cloisonnées entre les murs de leurs cellules. C’est Ahmet Türk qui, libéré quelques semaines auparavant de sa cellule, prend la parole sous les applaudissements de la foule pour lancer un message d’espoir et de lutte, teinté d’optimisme mais réaliste sur les combats qu’il leur faudra bientôt mener : nous savons bien que les Kurdes ne se mettent pas à genoux devant l’Etat turc. Le nom de ce NewrozNouvel an kurde (21 mars). More est “Nous allons gagner.” Personne ne devrait douter que nous triompherons. Malgré toutes les pressions et les politiques de la cruauté, nous atteindrons notre objectif avec notre volonté et notre engagement. Cela ne peut être évité.
Nous ne pouvons résoudre les problèmes qu’avec le dialogue et le bon sens. Il y a des exemples à travers le monde. Nous leur demandons de mettre un terme à leurs politiques d’intimidation et de soumission, ainsi qu’aux politiques visant à assombrir l’avenir des Kurdes. Développez le chemin vers la paix et le dialogue dans le cadre des idées présentées par M. Öcalan pendant le NewrozNouvel an kurde (21 mars). More de 2013 : il n’y a pas d’autre moyen.
2017 est une année importante pour l’avenir des Kurdes, qui sera témoin d’un changement et d’une transformation. Ce sera l’année où ceux qui essaient d’anéantir les gains des Kurdes avec des politiques assimilatrices dans ce pays seront vaincus. Nous devons continuer notre lutte sans compromettre notre engagement, notre liberté et notre avenir.
Le ciel se charge, l’électricité dans l’air devient palpable, 350 000 personnes réunies pour défendre leur droits à exister… puis la pluie. Une pluie orageuse qui marque la fin du discours d’Ahmet Türk et le début de l’explosion de la foule, qui fait tomber les barrières et s’empare de la scène, affiche d’énormes portraits d’Apo et des camarades tombés lors du soulèvement à Sur. Les chants en kurde sont font de plus en plus forts, les slogans de soutien à Apo de plus en plus nombreux et la foule de plus en plus compacte et unie quand les organisateurs prennent le micro. Les forces de l’ordre viennent de les prévenir : il faut arrêter slogans et chants « terroristes », il faut que la foule s’éloigne de la scène, il faut faire tomber les drapeaux des « terroristes », il faut que la fête prenne fin.
La menace est réelle : des snipers sont postés sur les toits alentours, des agents en civil se cachent dans la foule et les forces de l’ordre encerclent par centaines le lieu des festivités… Il est 14h00 quand la musique s’arrête : le NewrozNouvel an kurde (21 mars). More de 2017 aura eu lieu. Malgré les craintes, malgré les menaces, plus de 350 000 personnes se sont réunies en ce jour de fête de la lumière nouvelle, cette manière poétique d’espérer de meilleurs lendemains.
Sous le joug de l’oppression, la poésie devient une arme de résistance
Si Kemal Kurkut est mort d’avoir porté sur lui, ce jour de NewrozNouvel an kurde (21 mars). More, un recueil de poèmes, c’est cette même arme blanche que Demirtaş utilise depuis sa prison : les mots à la place des balles, la poésie pour lutter contre l’oppression.
Le 2 mai dernier, la police a procédé à une perquisition dans un bureau du HDPParti de la Démocratie des Peuples (Halklarin Demokratik Partisi). More de la ville de Dargeçit, dans la province de Mardin. Une affiche de Demirtaş, sur laquelle se trouvait ce poème, a été saisie, le procureur de Mardin le qualifiant de « propagande terroriste » et la cour de justice criminelle de Mardin le déclarant constituer une preuve de plus de la culpabilité de Selahattin Demirtaş.
Quand écrire de la poésie devient un acte terroriste, les dérives dictatoriales ne sont plus à questionner. L’histoire est là pour nous rappeler que, dans les périodes les plus sombres de la Turquie, la poésie a toujours été considérée comme une arme de première importance. Au même titre que des journalistes ou des hommes politiques, les poètes Nazim Hikmet, Arif Damar ou Yaşar Miraç ont subi pressions, arrestations et tortures afin de les empêcher de pratiquer leur art et d’exprimer librement leur critique sociale et politique d’un gouvernement qui sombrait vers la dictature. Depuis 50 ans, la situation n’a pas changé : les poètes écrivent encore de prison.
Tony Rublon