La projection du film documentaire « I am the revolution » a réuni près d’une cinquantaine de personnes jeudi 10 mars, à Rennes, au cinéma l’Arvor. C’était un réel plaisir que de pouvoir à nouveau organiser un événement public et discuter avec un public attentionné du combat quotidien mené par les femmes au Moyen-Orient pour la liberté et l’égalité.
Ce film documentaire de Benedetta Argentieri, diffusé pour la première fois en 2018, est malheureusement toujours d’actualité. En Afghanistan, les femmes vivent à nouveau sous la chape de plomb d’un régime taliban qui leur est hostile par essence. Les femmes irakiennes poursuivent leur lutte émancipatrice pour faire évoluer la société patriarcale qui les a vues naître alors qu’au Nord-Est de la Syrie (dont le RojavaKurdistan occidental (Kurdistan de Syrie), divisé en trois cantons : Cizirê (le canton le plus peuplé comprenant notamment la ville de Qamişlo), Kobanê et Efrin. More est une partie), les progrès enregistrés sur le front de la cause féministe sont perpétuellement menacés par les cellules djihadistes, mais aussi par les autocrates de Damas et Ankara et leurs affiliés.
Témoignage d’une Rennaise d’adoption, Kurde iranienne, réfugiée politique
Si Maryam Ashrafi n’a pas pu être présente comme prévu à cause de l’actualité à l’est de l’Europe, nous avons pu compter sur le précieux témoignage d’une Rennaise d’adoption, Nassime Qadirpoor. Réfugiée politique en France depuis 2018, elle vit en Bretagne depuis près d’un an et demi. Originaire du Kurdistan d’Iran, le Rojhelat, elle est aux yeux du pouvoir iranien coupable de trois crimes qui l’ont poussée à partir : “je suis une femme, je suis kurde et je suis journaliste”. Son travail journalistique pour plusieurs médias kurdes en Irak et en Iran (dont certains clandestins) est marqué par son engagement continu pour sensibiliser et faire évoluer les mentalités au sujet de la précarité des femmes dans cette région du monde. Egalement écrivaine, elle a publié une demi-douzaine d’ouvrages en kurde, dont l’un, traitant des crimes d’honneur et de la précarité menstruelle dans les régions sud du Kurdistan, est en cours de traduction en français :
“La situation des femmes est catastrophique de Kaboul à Bagdad, en passant par Téhéran et de nombreuses régions du Kurdistan. Par contre, au Nord-Est de la Syrie, les choses se passent différemment, avec une volonté politique forte qui permet aux femmes de se doter des outils qui leur permettent de s’accomplir et de profiter d’une égalité des genres concrète. Nous avons, nous les femmes, une force incroyable en nous. Il faut que l’on en prenne conscience et avoir confiance en nos capacités de changement.“
Lui succédant au micro, Melike Balta, co-présidente de l’association rennaise kurde Amara (CDK-Rennes), ne pouvait que lui emboîter le pas :
“Partout, tout le temps, il faut se battre et résister. L’expérience au Nord-Est de la Syrie a créé une fissure dans le mur de la domination masculine sur les corps et les esprits des femmes au Moyen-Orient. Ce mur a été bâti sur des normes sociales profondément ancrées. C’est en cela que toutes celles qui s’attaquent à lui sont révolutionnaires.“
Elles sont en fait, la révolution.
Christophe Thomas
Photos : Gaël Le Ny