“Nous ne lâcherons rien” a conclu Laetitia Boursier, vice-présidente des Amitiés kurdes de Bretagne (AKB) interviewée par Vos Gueules Les Mouettes, radio FM associative douarneniste FM, couvrant les activités du festival de Cinéma de Douarnenez. Les Amitiés kurdes de Bretagne y étaient en effet présentes, où elles ont tenu leur université d’été – dont on reparlera – et au forum des associations, où elles ont présenté “Rojbîna me“, un livre écrit à la mémoire de Rojbîn, militante kurde assassinée à Paris le 9 janvier 2013 en compagnie de deux autres militantes, Sakine Cansiz et Leyla Saylemez. Un livre qui ne peut laisser indifférent, un livre plein d’émotion et de tendresse, mais qui veut aussi contribuer à faire toute la lumière sur ce crime d’Etat et démasquer les vrais commanditaires. L’image souriante de Rojbîn a plané sur Douarnenez où elle est venue plusieurs fois avec les AKB à l’occasion du festival, notamment celui de 2003, qui s’est appelé “Kurdistan”.
“Kurdistan, je reviens d’un pays qui n’existe pas”
Tony Rublon, président des AKB, également interviewé et qui revient d’une mission au RojavaKurdistan occidental (Kurdistan de Syrie), divisé en trois cantons : Cizirê (le canton le plus peuplé comprenant notamment la ville de Qamişlo), Kobanê et Efrin. More et à Sinjar, a évoqué la situation dans les différentes parties du Kurdistan. C’est la force de cette association de pouvoir parler concrètement et objectivement d’une question, la question kurde, une question complexe se situant dans un contexte de violences en tous genres au sein d’un Moyen-Orient déstabilisé, où s’entrechoquent les intérêts régionaux et internationaux. Cette crédibilité, les AKB la puisent dans une longue expérience de 25 années d’approche sur le terrain et d’immersion. L’animatrice de l’émission, la pétulante Nina, a évoqué opportunément le premier film des Amitiés kurdes de Bretagne (qui s’appelaient alors “Délégation rennaise Kurdistan”) qui figure dans la cinémathèque de Bretagne et Diversité : “Kurdistan, je reviens d’un pays qui n’existe pas, mais les Kurdes, eux, existent, je les ai rencontrés“.
Cette évocation a permis de rejoindre l’actualité toujours aussi tragique : le 700ème sit-in des Mères du samedi, place Galatasaray à Istanbul, qui réclament depuis 1993 vérité et justice pour leurs proches disparus, a été violemment dispersé par la police qui a procédé à une cinquantaine d’interpellations. Il se trouve que “je reviens d’un pays qui n’existe pas”, réalisé en 1997, filme les Mères du samedi, une séquence brève filmée en dépit des conseils de prudence du consulat, dans des conditions difficiles pour échapper aux forces de police anti-émeute qui ceinturaient la place.
Extraits du script :
Istanbul, place Galatasaray, avec les Mères du samedi qui scandent des slogans : “Assez de disparus, halte aux assassinats”. Voix off : “on les appelle les Mères du samedi. Depuis 4 ans, elles se rassemblent chaque semaine, place Galatasaray pour protester contre la disparition d’un père, d’un frère, d’un mari, d’un enfant et chaque pancarte raconte l’histoire d’un homme comme Metin Göktepe, journaliste et militant des droits de l’homme.
Les Mères du samedi n’ont rien lâché et l’Etat turc n’arrive pas à les faire taire. Elles manifestent aussi sporadiquement le samedi à Diyarbakir, Batman, Cizre et autres villes en Turquie. Une délégation des AKB a pu assister le 14 avril 2012 à l’un de ces sit-in à Diyarbakir.
A Nantes s’est formée une association, les Amis du collectif en soutien aux Mères du samedi et contre les crimes d’honneur en Turquie. La Coordination nationale Solidarité Kurdistan, dont les AKB sont membres, milite pour obtenir vérité et justice pour Rojbîn, Sakine et Leyla. A l’instar des Mères du samedi, elle ne lâchera rien tant que les commanditaires de ce triple assassinat politique ne seront pas nommément désignés et jugés.
André Métayer